Ils sont arrivés pour la plupart en avance à l’église –il est vrai qu’on est en Suisse, accompagnés par leurs maîtres.Après avoir goûté aux croquettes mises à disposition par l’Abbé Olivier Jelen pour « qu’ils se sentent bien accueillis » et bu une rasade d’eau dans les gamelles, Rebecca, Tony, Juliette, Fango, Mia, Amandine…, se sont installés tranquillement, qui assis sur les bancs de bois, qui allongé à même le sol, qui dans un panier, qui dans les bras… attentifs à faire bonne figure, à renifler son voisin, à trouver une place digne de son rang et de l'Evènement – une sortie à l’église ce n’est pas tous les jours ! Phénomène inattendu, dès les premières notes de l’orgue, le silence se fait presque total… comme si tout était « normal ». N’étaient les têtes un peu plus poilues et les grandes oreilles qui dépassent, rien ne laisse deviner que cette messe, pardon ! cette célébration (parce que les animaux, ça ne communie pas), est une liturgie en leur honneur et en l’honneur de la création toute entière.
Saint François doit se réjouir
Quelle mouche a donc piqué le
Père Abbé ? A-t-il perdu la raison pour donner autant d’importances à de
si petites « choses », et se permettre de secouer les puces à ses
paires ? Comment vont-ils réagir ? Contre toute attente, les humains
semblent recueillis et reconnaissants, souriants même… le monde à
l’envers !
Isaï pour aujourd'hui... ou pour demain?
Il est vrai que l’Abbé n’est pas
seul dans son équipe ; il a derrière lui un saint et un pape, et non des
moindres, puisqu’ils s’appellent tous les deux François. Il n’hésite pas à les
solliciter dans son homélie, commentant ces versets de la Genèse où, en ce
sixième jour, les humains et les animaux sont créés dans un même souffle
d’amour : « Chacune des
créatures, surtout les créatures vivantes, a une valeur en soi, d’existence, de
vie, de beauté et d’interdépendance avec les autres créatures»[1].
Ces paroles là, ce n’est pas rien. On s’étonne juste, que cette sagesse et
cette douceur n’émergent pas plus souvent. La fraternité entre toutes les
créatures, comprenez, ça leur parle aux animaux. Isaï, comme nous, ils y
aspirent. Seulement, ça ne dépend pas d’eux. Alors, pour une fois que quelqu’un
a le courage de dire cela au grand jour, qui plus est dans une charmante petite
église de Genève, alors on se dit qu’il se passe quelque chose de bien
extra-ordinaire et l’on en vient à espérer.
Pardon et gratitude
Quand le représentant de la SPA,
très digne dans son joli costume, vient parler au pupitre, évoquant tous les abandons, les amis en attente
d’adoption, mais aussi toutes ces âmes charitables qui les aident, et que
l’abbé, à ses risques et périls, donne l’autorisation d’applaudir, ils n’y
tiennent plus et lancent des aboiements multicolores. L’orgue, à nouveau,
apaise ces marques de reconnaissance et facilite la reprise de la cérémonie,
qui n’est pas non plus piquée des vers. Après le pardon, c’est la louange,
l’action de grâce, le « merci »… Tout le monde est convoqué :
les oiseaux au plumage multicolores, la mer et ses merveilleuses richesses,
l’éléphant, le renard et la biche au regard si doux, mais aussi, tous les
mal-aimés, requin, serpent et loup… que nous sommes invités à accueillir dans
notre cœur. En ce jour particulier, le Royaume aurait-il frappé à la porte de
l’église ? Ce temps inédit nous le laisse espérer.
"Nous n'avons pas deux cœurs, un pour les animaux, un pour les hommes"
Ce qui s’est vécu en ce jour dans
cette petite église, mais aussi dans d’autres églises en France au même moment
(Paris, Lyon, Honfleur…), résonne comme les premiers accords de la prophétie. A
l’heure où l’église Sainte-Rita, qui accueillait depuis trente ans une
célébration pour les animaux à l’occasion de la saint François est en passe
d’être détruite par les bulldozers de promoteurs, nous ne pouvons que prier
pour que des initiatives invitant à la paix universelle fleurissent le plus
largement possible.
Christine Kristof-Lardet
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