merci à C. Joulot pour cette belle photo! |
Le but de ces quelques lignes est de
rétablir, tant que faire se peut, l’équilibre d’une situation où la
désinformation sur la question du loup a conduit à une méconnaissance profonde
des données réelles du problème et, par défaut, à des partis pris hâtifs,
calqués sur un dictat médiatique souvent univoque qui n’offre ni le recul, ni
l’analyse, ni la critique nécessaire à l’élaboration d’une opinion juste.
Tordre
le cou aux idées reçues
Non ! Le loup n’a pas été
réintroduit, il est revenu tout seul d’Italie
Oui ! Il y a moins de 300
loups comptabilisés aujourd’hui en France (contre 1500 en Italie, 2500 en
Roumanie, 2500 en Espagne… ! )
Non ! Le seuil de viabilité
des populations de loups en France (arc alpin) n’est pas atteint, car il n’y a
qu’un seul noyau de population reproducteur. Les abattages officiels (en plus
du braconnage et des empoisonnements mettent en péril la population.
Oui ! Le loup est une espèce menacée et, de ce fait,
protégé aux niveaux français et européen. Il est par
conséquent interdit de le chasser.
Non ! Il ne risque pas d’y avoir prolifération, car les
populations de loup s’autorégulent par rapport à la quantité de nourriture
disponible.
Oui ! Les
gouvernements successifs, en décidant d’abattre des loups et en laissant faire
les empoisonnements, se mettent hors la loi.
Non ! Les loups ne
sont pas les principaux responsables de la mort des brebis. Seulement 0,05% des
prélèvements sur le cheptel sont attribués aux grands prédateurs (y compris
chiens divagants).
Oui ! Les mesures de
protection restent efficaces (chiens patous, filets, ânes, aides-berger…). Les
troupeaux non gardés continuent de concentrer les attaques.
Non ! Le pastoralisme et le loup
ne sont pas incompatibles (preuve l’Italie et l’Espagne).
Oui ! Les bergers sont en
difficulté. Le loup n’est ni la raison principale, ni la raison première de ces
difficultés. Le loup ne fait que révéler une situation de crise, il ne la crée
pas.
Non ! Tous les bergers ne
sont pas contre les loups. A la base, ils manquent de reconnaissance et de
moyen pour pratiquer leur métier dans des conditions convenables.
Oui ! Les éleveurs reçoivent
des indemnisations pour les bêtes tuées par un « grand canidé »
(loups et chiens divagants confondus), à près du double du prix du marché.
Oui ! Les Français sont pour
le retour du loup à 79% (sondage Soffres 1995)
Non ! Un loup sain n’attaque
pas l’homme, il le fuit. Aucune attaque n’a pu être prouvée malgré de
nombreuses études dans le monde.
Non ! Tuer des loups ne sert à rien et est totalement
contradictoire avec les engagements et la nécessité vitale de protection de la biodiversité.
Oui ! Il existe des
solutions : Mesures de protection renforcées, mise en place des
volontaires pour aider les bergers à garder les troupeaux, création de labels
de qualité, transformation du mode d’exploitation, dialogues entre les
différents acteurs concernés, plus grande transparence…
Ce qu’il faut comprendre
A qui profite le loup ?
Les éleveurs sont des « chefs
d’entreprises » qui possèdent des troupeaux et des salariés pour garder
leurs troupeaux : les bergers. Il arrive parfois que l’éleveur soit aussi
berger (de plus en plus rare). Le berger, lui, se trouve tout au bout de la chaîne économique
de l’élevage ovin. Il vit souvent au bord de la précarité et est obligé –étant
payé par « tête de pipe », de garder le plus grand nombre de bêtes
possible. Aussi, il n’est pas rare de voir des troupeaux de 1000 bêtes pour un
seul berger.
Les conditions de prédation par le loup sont alors amplifiées. Les
bergers, qui n’ont pas eu à faire au loup depuis 60 ans, ont perdu l’habitude
de garder leur troupeau et ne veulent plus changer d’habitudes. Etant donné la
surproduction massive et la concurrence mondiale - en particulier l’importation
d’agneaux de Nouvelle-Zélande abattus à Sisteron et parfois labellisés
« agneau de Sisteron », la filière ovine française se porte mal et
l’élevage « traditionnel » dans les alpages en pâtit –et cela bien
avant l’arrivée du loup en France. Plus il y a de viande sur le marché, plus le
prix de la viande baisse et plus le berger est obligé d’augmenter le nombre de
bêtes dans son troupeau. Un vrai cercle vicieux !
Cette fuite en avant dans l’augmentation
de la taille des troupeaux, et l’absence corrélative du berger sur les alpages,
est favorisée depuis les années 70 par des dispositions de la Politique
Agricole Commune (PAC) européenne imaginées et défendues par la France qui
consistent à attribuer, de manière forfaitaire, de l’argent public aux éleveurs
s’ils pratiquent leurs activités en zone de montagne, sous l’argument que cette
activité « préserve l’environnement ». Les différentes
subventions accordées représentent en moyenne 60 % du revenu des éleveurs (plus
il a de bêtes, plus l’éleveur a de subventions !). Des troupeaux de 2000 à
3000 têtes sur des espaces fragiles ne peuvent en aucun cas être facteurs de
préservation du milieu naturel – postulat premier avancé pour justifier
l’attribution de ces dites subventions.
Un loup peut en cacher un autre
Pour ainsi dire, le loup arrive « pile
poil ». La situation déjà critique avant l’arrivée du loup, devient
intenable. Le loup révèle, par sa présence, les absurdités du système
économique actuel et sert en même temps de bouc émissaire pour cacher ces
absurdités. Il permet à ceux à qui la situation profite de se décharger de
leurs responsabilités. De nombreuses questions restent en suspens : Comment
un agneau élevé des mois dans la montagne peut être vendu au même prix qu’un
agneau de Nouvelle-Zélande ? Pourquoi ne pas avoir créé de vrais
labels ? Pourquoi continuer faire semblant d’encourager le pastoralisme alors
que les véritables dispositions économiques en faveur des bergers ne sont pas
prises ? Qui est le véritable prédateur dans l’histoire ? Alors que le gouvernement français dit se montrer
exemplaire à l’occasion de la COP 21, il sacrifie la biodiversité pour
satisfaire les pressions des syndicats agricoles et des chasseurs. Il
serait temps de mettre fin à l’hypocrisie d’un jeu à double face pour se
concentrer sur la mise en place d’un réel soutien technique et financier permettant
aux éleveurs/bergers de s’adapter aux nouvelles conditions. Mais pour cela, il
faudrait avoir le courage de remettre en question le système productiviste à
l’origine de tous ces dérèglements et combattre les arguments fallacieux d’une
poignée d’élus des Alpes-Maritimes ou du Var qui orientent les décisions au
plan national. La question du loup sert de ciment aux détenteurs du pouvoir
local et de piédestal pour accéder à de plus hautes fonctions (pour preuve,
l’élection du nouveau président de la Région Paca qui s’est hissé sur la
peau du loup). Au lieu d’envisager des solutions de cohabitation
loup/pastoralisme, ces derniers jettent volontairement de l’huile sur le feu et
encouragent le vandalisme (agressions physiques sur des défenseurs du loup,
séquestrations d’agents publics, dissémination de poison mortels dans
l’environnement, etc.)
La désinformation des médias, un grave
parti pris.
La question du loup, quoiqu’elle ait
suscité de vives polémiques, n’a que très rarement été approfondie par la
presse «de masse », le caractère événementiel ayant largement primé sur de
véritables questionnements. Plus grave, cette presse s’est souvent révélée
partiale, voire « manipulée » dans certains cas (il suffit de lire
les pages de la Provence ou de Nice matin pour s’en rendre compte), se servant
de la fantasmagorique « peur du loup » comme d’un levier. L’information
univoque a progressivement conduit à faire de ces «idées reçues» des armes de
combat, encourageant la montée d’un « pour ou contre » stérile. On ne
s’étonne pas, dans un contexte où politique, pouvoir et médias sont largement liés,
que les informations fausses, pourvu qu’elles soient sensationnelles, soient
devenues légions (ainsi par exemple l’histoire de cet homme qui déclare avoir
été attaqué par un loup, pur fantasme de bar, mais bien plus médiatisé que le
démenti qui a suivi, ou encore les images de l’attaque nocturne de loups sur un
troupeau du Mercantour ne montrant fallacieusement que les 2 minutes où une
brebis se fait attrapée, négligeant le reste du film (une nuit de tournage) qui
témoigne de l’incroyable efficacité des
chiens de protection…). Sans même parler
des gros plans sur les cadavres de brebis égorgées –paix à leurs âmes, qui sont
totalement indécents, car sous prétexte d’éveiller la compassion des
spectateurs, ils trahissent le manque de compassion de ceux qui n’hésitent pas
à trainer des bêtes agonisantes de la montagne à la plaine (durant des heures)
pour pouvoir les donner en pâture aux caméras.
Dans ce cas, pourquoi en pas diffuser les images des agneaux tués dans
les abattoirs ? Serions-nous trop sensibles à cette réalité-là ? Le
loup, lui ne se cache pas pour tuer. Nous, on aime le gigot –mais propre, dans
l’assiette. De quelle côté est la cruauté ?
La France hors la loi.
Sous la pression des lobbies d’éleveurs
et de la chasse et de certains députés qui crient plus fort que les autres, les
Ministères de l’agriculture et de l’écologie ont autorisé le
« prélèvement » des loups sur
le territoire français il y a plus de 10 ans, se référant à une dérogation de
la directive Habitat qui l’autorisait sous plusieurs conditions, que les
troupeaux soient en danger, qu’il y ait eu au moins deux attaques consécutives et
que les prélèvements ne mettent pas en péril les populations…
Aujourd’hui, aucune de ces
conditions n’est remplie, et les tirs de prélèvement ne cessent d’augmenter. Alors que pour la première fois la population de loup en
France a baissé en 2015, cédant aux pressions de ces lobbies, les pouvoirs
publics ont augmenté le maximum de loups pouvant être abattus de 50 % : 24
loups en 2014-2015 contre 36 loups en 2015-2016. Ce plafond maximum est devenu
un quota à atteindre absolument pour l’Etat français qui a déployé les grands
moyens :
- Autorisation de tirer le
loup par les chasseurs lors de leurs parties de chasse au grand gibier
- Arrêtés préfectoraux autorisant l’ensemble des chasseurs d’un
département à abattre des loups
- Carabines à vision nocturne et caméras thermiques
- Tirs de défense dans le parc national des Cévennes
- Tirs de nuit aux phares, pratique interdite pour les espèces
gibier.
Rappelons que le loup est protégé par des lois (à
l’échelle européenne par la Convention de Berne (1979) et la directive
« Habitats» (1992), et à l’échelle
nationale, par l’article L.411-1 du code de l’environnement classant le loup
parmi les espèces strictement protégées) !
Depuis le 2 juillet 2015,
34 loups ont déjà été abattus et donc décomptés du plafond. Les tirs de loups,
qui ne doivent être que la solution de dernier recours, sont devenus la
priorité au lieu d’étendre la protection des troupeaux. Pourtant ces tirs
déstructurent les meutes, ce qui augmente les dégâts aux troupeaux ! Le loup
reste en France une espèce vulnérable, aux effectifs en baisse (estimation
moyenne de 282 loups début 2015 contre 301 début 2014). Plus de la moitié de
l’aire de répartition de l’espèce présente des densités faibles voire seulement
des individus isolés. Un seul noyau de population reproducteur est présent en
France (Alpes) et ce n’est pas normal, plus de 20 ans après le retour de
l’espèce. Tant que l'existence de plusieurs noyaux de reproduction n’est pas atteint,
on peut considérer que l’état de conservation du loup n’est pas favorable et
que l’augmentation des autorisations de tirs n’est pas conforme aux
réglementations européennes.
Pourquoi tuer un loup est grave
-
Par ce que c’est interdit par la loi (à
l’échelle européenne par la Convention de Berne (1979) et la directive
« Habitats» (1992), et à l’échelle
nationale, par l’article L.411-1 du code de l’environnement classant le loup,
parmi les espèces strictement
protégées.).
-
Les loups ne sont pas seulement les loups
des Français, mais les loups de la terre. De quels droits les Français
s’arrogent-ils le droit de détruire ce qui ne leur appartient pas ?
-
En tuant le loup, on porte atteinte à la
biodiversité. Ce qui signifie qu’en mettant une espèce en péril, on porte
atteinte à l’ensemble du système planétaire, dont l’homme –à l’égal du loup,
est un des maillons. L’homme ne peut vivre sans échanger avec les représentants
des autres règnes de la terre (minéral, végétal ou animal). Plus le nombre
d’espèces qui disparaît s’élève, plus les chances de survie des autres espèces
–y compris l’espèce humaine, diminue. Chaque maillon est garant de la vie de
l’autre.
-
En
tuant le loup, on supprime le seul super-prédateur de ces régions qui peut
réguler de manière naturelle les populations d’ongulés. Le loup est par
ailleurs un charognard fort utile.
-
En tuant le loup, on porte atteinte aux
fondements éthiques, psychiques et symboliques de l’humain. Tuer un loup n’est
pas neutre, c’est tuer la dernière part de liberté sauvage qui demeure.
-
En tuant le loup, on porte atteinte aux
principes de respect de la création, tel qu’enseignée par les textes bibliques.
L’homme se doit d’être le gardien de la terre, et non seulement son
«consommateur ».
-
En tuant le loup, on viole donc à la fois
les lois fondamentales citoyennes –respect des règlements et les lois
fondamentales en général –respect du vivant.
A qui profite le crime?
Tuer des loups ne changera rien pour
les bergers qui subissent avant tout le poids de la politique agricole commune
et de la compétition internationale. Ils ne voient pas qu’on leur balance un « loup
émissaire » dans les pattes pour les empêcher de voir la vraie cause de
leurs problèmes. Cela prouve l’hypocrisie profonde de ceux qui tirent profit de
la situation : élus en mal de pouvoir, éleveurs de grande taille qui
continuent de grossir engraissés par les subventions, grandes surfaces qui
vendent la viande à prix cassés… sur le dos des bergers qui tentent de
survivre. Cette situation cache un énorme scandale qui personne ne souhaite
soulever : des subventions qui ne sont pas utilisées, des primes qui
encouragent la superporductivité, des contrats commerciaux internationaux
contre l’intérêt des bergers, des brebis vendues sous le manteau pour tenter de
« s’en sortir quand même », les fonds versés par la collectivité pour
la protection des troupeaux qui deviennent caduc à partir du moment où ceux qui
ne se protègent pas sont privilégiés, une dévalorisation de ceux qui, éleveurs
ou bergers, ont fait l’effort de mettre en place des systèmes de protection.
La présence du loup est une chance
C’est le
signe d’un bon équilibre écologique.
C’est le signe que le sauvage n’a
pas complètement disparu, symbole important pour notre société coupée de ses
racines.
C’est une opportunité inespérée pour
la filière ovine en crise de pointer ses problèmes du doigt. On n’a jamais
autant parlé des éleveurs et de leur sort que depuis que loup est là.
C’est une chance pour les bergers de
prendre un virage dans leur profession et de s’adapter en douceur à l’évolution
de la filière ovine en Europe, plutôt que d’y être contraint soudainement.
C’est en particulier une possibilité de faire valoir l’élevage en montagne
(label) par rapport aux élevages industriels.
C’est également un atout
pour le tourisme (première activité économique en zone de montagne) en
développant un éco-tourisme permettant aux professionnels installés sur place
de travailler toute l’année. Le tourisme axé sur le loup en Espagne et en
Italie a déjà fait ses preuves. Un
loup vivant rapporte 100 fois plus qu’un loup mort ou pas de loup du tout.
Le retour du loup est
une chance pour tous les pays qui l’accueillent à nouveau. Il est l’allié
incontournable des forestiers (deuxième activité économique en zone de montagne)
qui trouvent là un moyen de diminuer les dégâts des cerfs, chevreuils,
sangliers ou chamois.
C’est
enfin une chance d’apprendre, pour une fois, à concilier les parties et à
imaginer un monde de cohabitation et de paix.
C’est
enfin la grâce de pouvoir s’émerveiller dans la grande beauté de cet être
exceptionnel !
Ce qui peut être fait
-
Ne
pas alimenter les « pour ou contre » stérile et ne pas adhérer aux
idées reçues. Chercher plutôt à comprendre le fond des choses à travers des
ressources documentées comme le
livret de 16 pages sur cette question édité par le collectif CAP Loup .
-
Exiger
une politique claire de soutien aux éleveurs soucieux de se protéger, exiger une
viande avec un label de qualité pour les animaux élevés en montagne et le
privilégier lors de l’achat, exiger que les critères de soutien à l’élevage
ovin soient soumis à la notion « d’éco-conditionnalité » (attribution
des subventions aux éleveurs dépendant de services environnementaux
contractuels et vérifiables) … Ecrire à votre député pour lui demander tout
cela, à votre préfet et au ministère de l’écologie pour manifester votre
désaccord avec les abatages. Signer
la pétition pour le loup et le pastoralisme ici
-
S’informer,
adhérer et militer dans une association de sauvegarde de la nature et de la
faune sauvage tels que FERUS (www.ferus.fr,
tel : 04-91-05-05-46) ou l’ASPAS
(www.aspas-nature.org/ tel : 04 75 25 10 00 ) , CAP Loup (www.cap-loup.fr) ou encore l’une des associations partenaires
de la marche (Asbl Wolf Eyes, Action Nature, Alepe,
Alliance avec les loups, Animal Cross, Aves France, CALI, Collectif du 21
septembre, Convention Vie et Nature, CRAC Europe, Dignité Animale, Emys
conservation, FERUS, FNE, FRAPNA, GEML, LPO, Mille Traces, Oiseaux Nature, One
Voice, Peuple Loup, Point info loup/lynx, Sauvegarde Faune Sauvage, Sauvons nos
loups alpins, Sea Shepherd, SFEPM, SNPN, Sur les traces du loup, UFCS, WWF…).
-
Devenir
aide-berger bénévole avec l’association Ferus ou A pas de Loup (cela permet de
se rendre compte de la réalité sur place, d’établir le dialogue avec les
bergers en premières lignes et les aider à protéger leur troupeau et, partant,
à protéger le loup).
-
Rejoindre
la manifestation du 16 janvier à Lyon, au côté de plus d’une trentaine d’associations et de collectifs de protection de la
nature. Rendez-vous à 14h, Place Bellecour pour une marche jusqu’à la
préfecture de région où le dossier loup est administrativement géré pour
l’ensemble du pays.
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