« Il me demanda sarcastiquement si je savais que les éléphants étaient en réalité les derniers individus – oui, monsieur – et qu’ils représentaient, paraît-il, les derniers droits essentiels de la personne humaine, maladroits, encombrants, anachroniques, menacés de toutes parts, et pourtant indispensables à la beauté de la vie ».
Les Racines du Ciel. Romain Gary.
Qui, après avoir lu « les Racines du Ciel » de Romain Gary, n’a pas été pris d’une irrésistible envie de partir sauver les éléphants en Afrique ? Qui, après avoir vu les images insoutenables de chasse à la baleine, n’a rêvé de s’engager auprès de Paul Watson? Qui, en voyant les ours polaires jouer les finales sur la banquise n’a senti son âme défaillir? Nous avons tous un éléphant, une baleine ou un ours à sauver dans notre cœur - un animal « totem » avec lequel notre âme d’enfant a noué un pacte secret.
Un pacte né au plus profond de notre être, que nous n’osons mettre en œuvre, par pudeur ou par peur du qu’en « dira-t-on ». Un point de mire, un idéal, qui, pourtant, nourrit notre vitalité, notre créativité et notre sens de la compassion. Les blessures infligées à la terre et aux êtres - humains et non humains, nous bouleversent. Mais notre souffrance sans reconnaissance fermente dans l’apathie à laquelle l’ampleur de la tâche nous astreint, ou, au contraire, explose dans un militantisme épuisant et sans fin. Notre désir d’engagement et notre soif de sens, qu’un chèque vite fait au WWF ou à la LPO ne saurait apaiser, peinent à trouver le chemin juste.... Nous rêvons d’être un Morel[2], un Paul Watson ou une Jane Goodal[3]. Mais faute de moyens, d’ambition, de temps ou de folie, nous redevenons « normaux ». Pourtant, de temps à autre, l’âme nous tiraille. Dans l’inconscient de nos nuits, à l’orée d’un film évocateur ou à la vue d’un sacrilège… elle nous réveille dans un cri silencieux. Entendre cet appel, c’est commencer à honorer notre douleur, à nous autoriser la compassion et à éprouver dans nos tripes ce lien d’interdépendance qui nous relie à tous les êtres. C’est comprendre instinctivement que nous sommes eux et qu’ils sont nous. Œuvrer à leur sauvegarde, c’est œuvrer à la nôtre –non par calcul égoïste, mais par une logique intrinsèque à la vie même.
La rencontre (le contact direct) avec un animal libre et sauvage agit comme un détonateur. Elle réveille nos sens endormis, aiguise notre imaginaire et nous procure le sentiment d’être intensément en vie. Elle engendre un bouleversement total de notre relation au monde et à nous-mêmes. Comme l’écrit Armand Farrachi[4] dans son dernier ouvrage : « si chacun de nous passait, ne serait-ce qu’une minute dans sa vie, avec un gorille, un tigre ou un ours, le monde en serait changé ». C’est comme si la grande nature – par cette zone de faille sensorielle, faisait irruption en nous et réveillait, en se reconnectant à elle, notre nature intérieure. Partir à la rencontre de l’animal qui nous parle, qu’il soit grand ou petit, exotique ou familier, entrer en nature, intensément, c’est oser la rencontre avec nous-mêmes, avec notre part libre et sauvage, avec notre âme, avec notre vérité. S’engager pour défendre la vie et le vivant, dans la présence, l’attention et le soin, apporte une réponse à ce désir intense du cœur, et, partant, fertilise notre empathie. Cela nous permet, comme le disait Sylvie, une éco-volontaire rencontrée au Kenya, « de devenir, non plus simplement des consommateurs, mais des acteurs de la beauté du monde ».
Il ne s’agit pas de poser des pansements sur des plaies béantes –des plaies également au-dedans de nous, mais de retisser la relation véritable entre nous et la nature. Bien-sûr, il nous est toujours possible de vivre le voyage en consommateur –et voyager conduit automatiquement à consommer, ne serait-ce que l’avion que nous sommes amenés à prendre, mais notre sincérité d’enfant nous sert de pare feu. Si notre motivation est juste, notre action sera juste elle-aussi. Agir pour la planète, militer ou s’engager comme éco-volontaire, n’est pas une fin en soi, mais un outil ; un outil de soin pour le terre, un outil de soin pour soi. En s’immergeant dans le cœur vibrant du monde –même avec un bilan C02 pas tout à fait favorable, il y a des chances pour que nous scellions, au plus profond de nos cellules, une alliance d’amour avec la vie.
Qu’est-ce qu’être éco-volontaire ?
Être éco-volontaire, c’est participer à une action de protection d’une espèce ou d’un milieu en danger, en France ou à l’étranger, le plus souvent, dans le cadre d’un projet mené et piloté par des scientifiques. Le concept, répandu dans les pays anglo-saxons, mais peu chez nous, s’appuie sur l’idée d’un partage et d’une « plus value » réciproque. Le volontaire participe de l’intérieur aux actions de terrain, s’immerge dans un contexte et un milieu naturel « stimulant », profite d’une proximité exceptionnelle –de ce contact direct et si important avec les animaux, éprouve la satisfaction d’œuvrer pour une cause juste et bénéficie d’une réelle formation in-situ. En échange, son temps donné, son enthousiasme, son savoir faire et sa contribution financière permettent la concrétisation et la pérennité du projet. Cette participation financière peut être fluctuante selon les projets et les organismes. Elle permet de couvrir les frais du volontaire et d’apporter un complément pour les réalisations concrètes sur place. Certains programmes, comme ceux du SVI (Service Volontaire International) par exemple, sont quasi gratuits. D’autres organismes peuvent demander une participation financière plus importante. Mais, un séjour de 10 jours qui dépasse 1500 € pose question. L’argent qu’apporte le volontaire doit servir le développement du projet localement, non pas enrichir, outre mesure, une structure commerciale intermédiaire.
Il existe plusieurs types et plusieurs niveaux d’engagement :de quelques heures de bénévolat ponctuel pour une cause locale, à plusieurs années de volontariat sur la mise en œuvre et le suivi d’un projet dans sa totalité. Quoique la plupart des missions ne nécessitent pas de compétences spécifiques, certaines qualités et certains savoirs faire peuvent se révéler précieux. Le tout est de ne pas se tromper de mission. Oubliez la forêt amazonienne si vous avez peur des reptiles, évitez les grandes navigations si vous avez le mal de mer, ou le désert d’Arabie en été… si vous craignez la chaleur ! Il faut pouvoir estimer au plus juste ses capacités physiques, psychologiques, émotionnelles, relationnelles etc… En même temps, pour faire le bon choix, laissez-vous guider par votre cœur, par ce qui vous touche le plus, ce qui répond à votre rêve d’enfant. Trouvez et recontactez votre motivation profonde, celle qui vous fait vibrer ; ce sera le meilleur point de départ pour donner sens à votre démarche et traverser les éventuelles difficultés.
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