... avec l'Université du Nous
« Les problèmes auxquels nous sommes
confrontés ne peuvent être résolus avec les mêmes niveaux de pensée que ceux
qui les ont générés ».
Einstein
Construire le monde nouveau
que nous souhaitons voir advenir suppose d’entrer dans de nouveaux modes de
fonctionnement et de coopération. Habitués à nos modèles où prévalent la
compétition et le pouvoir, nous avons besoin d’outils pertinents pour
ré-aprendre à vivre et à faire ensemble en harmonie. Aujourd’hui, parmi les diverses
propositions qui émergent, « l ’Université du Nous » nous invite,
à travers les ateliers qu’elle organise, à explorer des pistes novatrices et
nous accompagne sur le chemin de notre transformation collective.
Un soif de construire ensemble
Dans notre époque en ébullition, nous sommes nombreux à nous engager
dans des projets collectifs propres à favoriser la transition vers ce monde
auquel nous aspirons. De multiples initiatives fleurissent chaque jour, comme
l’annonce d’une aube nouvelle, gonflées de sève, d’enthousiasme et de nobles
idéaux ; des eco-villages, des collectifs citoyens, des mouvements pour
l’écologie ou pour la paix … Mais nombreuses aussi sont les désillusions face à
ce qui se révèle être, au bout du compte, notre incapacité – ou notre manque
d’expérience, à vivre et à faire ensemble. Même si au départ nous partageons les
mêmes valeurs et les mêmes objectifs, nous nous retrouvons démunis face aux
problèmes relationnels ou organisationnels qui finissent souvent par avoir
raison des plus beaux projets. Malentendus nés d’une communication déficiente, gouvernance
flottante, prises de pouvoir abusives ou
tout simplement de ce que Pierre Rabhi appelle le PFH[1],
les écueils sont multiples.
Comment accorder nos violons…
Les premiers pas…
Comment cheminer vers un mode de
gouvernance écologique[3] ?
Comment le travail sur le « nous » influe sur nos « je ».
Des ateliers artistiques pour
favoriser l’émergence des talents de chacun
Malgré notre désir profond, nous constatons ainsi que jouer une
symphonie en musicien débutant ne va pas de soi. Sans chef d’orchestre, sans
partition commune, sans travail personnel et sans l’écoute des autres, chaque instrument
voudra jouer sa propre mélodie et rendra le concert impossible. Nous ne
pourrons « accorder nos violons » et construire ce monde d’harmonie qu’en
acceptant de fendre la coquille de nos habitudes et de nous laisser accompagner
par des personnes expérimentées. Des précurseurs travaillent à défricher le
terrain des possibles et à élaborer des outils adaptés aux défis de notre temps
(voir encadré). Parmi eux, l’Université du Nous nous invite à expérimenter des
propositions innovantes résultant d’un long travail de réflexion et d’expérimentation
sur le chemin du vivre et du faire ensemble.
L’Université du nous, un outil au service du vivant.
« La vie est une
création qui me dépasse et dont je fais partie. Je ne suis pas ici pour la
contrôler ou la dominer, mais pour l’accompagner et l’honorer » paroles de l’UDN.
L’Université du Nous propose des formations de trois jours en
résidentiel « les Ateliers du Nous » (AdN) , se déroulant le
plus souvent dans des écovillages, des lieux alternatifs ou en nature[2].
Durant ces ateliers, les participants sont invités à découvrir une palette
d’outils du faire ensemble –gouvernance écologique, aide à la décision, élection sans candidat,
gestion de conflit, intelligence collective…, tout en les expérimentant in vivo
au sein du groupe. L’un des fondements de l’UDN est de considérer toute forme
d’organisation -à commencer par les
structures humaines, comme un système vivant possédant ses propres équilibres
et sa propre dynamique ; elle cherche avant tout à respecter ces systèmes
dans leur intégrité. En ce sens, chaque séminaire proposé par l’UDN est un
voyage unique. Le navire sur lequel s’embarque les passagers ne va pas là où le
vent souffle le plus fort, ni là où le capitaine souhaite aller, mais là où les
vents, les courants et les marées le conduisent,
sous l’œil avisé de l’équipage. Dans ce
genre de voyage, la destination finale importe tout autant que la façon d’y arriver.
Les premiers pas…
La navigation en eau profonde ne commence qu’une fois les cadres de
sécurité posés : la bienveillance (pour soi, pour l’autre, pour le
groupe), l’absence de passage à l’acte (verbal ou physique), la
confidentialité, la souveraineté (chacun prend la responsabilité d’exprimer ses
besoins, de poser des questions, de faire des propositions ou des objections…,),
le respect des horaires et l’application des décisions prises en groupes. Le séminaire
peut ensuite se dérouler à son rythme, dans une alternance souple et étudiée entre
des temps d’enseignement –où sont présentés les principaux outils du vivre et
du faire ensemble, des temps de pratique où ces processus sont expérimentés par
des mises en situation concrètes, des temps consacrés au corps et aux sens, avec
de la danse, du chi-gong, du yoga, du tai-chi…, des temps ré-créatifs, des
temps de silence, des temps en nature, des temps de marche méditative et des
soirées artistiques. La richesse des Ateliers du Nous repose sur la diversité et
la complémentarité des approches. Au côté de Lydia et de Laurent, les
précurseurs du projet, dotés d’un précieux bagage en matière de psychologie, de
coaching et de développement personnel, se rassemblent aujourd’hui une dizaine
d’animateurs proposant une palette d’outils élaborés au service du « nous ».
L’ambiance de ces journées est à la fois sérieuse, de par l’importance que
chacun accorde à la tâche, et détendue, laissant poindre, de-ci de-là
d’interminables fous-rires. Les tensions ne sont pas rares non plus, mais deviennent
au sein du processus, les révélateurs des nœuds
à résoudre ou d’une vérité qui cherche à s’exprimer. Fait rare, l’équipe
de l’UDN se propose de vivre conjointement avec le groupe, tout ce qu’elle
propose. Si, par exemple, les animateurs se trouvent à un moment donné en
situation de tension, de conflit ou d’indécision, ils pourront le cas échéant, se réunir devant les participants pour leur
montrer « in situ » comment eux-mêmes gèrent des problèmes avec les
outils étudiés par le groupe. Un exercice impressionnant, effectué sans
filet ! Pour réaliser cette performance, l’équipe a développé une grande
complicité, un engagement « corps et âmes » dans son entreprise et une
grande soif d’intégrité et de vérité.
Comment cheminer vers un mode de
gouvernance écologique[3] ?
L’objectif de ces ateliers est d’amener les participants à vivre des
situations inhabituelles propres à les sortir de leurs modes de fonctionnement obsolètes
et à les ouvrir à d’autres formes de
gouvernance. Le mot gouvernance peut
faire peur dans un premier si on l’entend au sens de « gouverner ». Si
on l’entend au sens de « gouvernail », comme l’outil de navigation
qui permet à un bateau de garder son
cap, il devient plus « familier ».
La gouvernance, telle que définie par l’UDN, est tout simplement le
cadre dans lequel nous élaborons et appliquons les règles de notre « faire
ensemble ». Elle définit les rôles et les responsabilités de chacun au
sein du groupe et régit les modalités de prise de parole, de prise de décision
ou de résolution des conflits… Les modes de gouvernance qui régissent
habituellement nos structures s’appuient sur des hiérarchies pyramidales, sur
le pouvoir de l’égo dominant, sur les relations de force ou de compétition… Sortir
des mécanismes demande un réel effort de conscience et de volonté. Il semble
donc crucial pour notre société en construction de s’appuyer sur des outils ayant
fait leur preuve ou qui émergent progressivement, tels que la communication
non-violente, la pratique du cercle, les modes de décision qui offre un pouvoir
équivalent à chacun, les apports de la sociocratie ou de l’holacratie, le forum
ouvert tels que le pratiquent par exemple les « colibris »… Ces
méthodes favorisent l’émergence de la créativité individuelle au service de
l’intelligence collective, répondent aux besoins de reconnaissance de chacun,
apportent un surcroît de sens à l’entreprise dans laquelle nous choisissons de
nous investir en stimulant notre intérêt pour la relation humaine, et donnent
au projet une dimension supplémentaire: le plaisir.
La pratique en cercle ; apprendre à écouter, apprendre à parler
Parmi ces méthodes, la
pratique du cercle est fondamentale. Elle permet d’ouvrir un espace privilégié
pour la concertation ou la prise de décision, un espace où la parole peut
émerger et les conflits se résoudre dans la bienveillance et la sécurité. Le
premier « cercle » proposé dans les ateliers donne le
« LA » de tous les autres et met en évidence le soin accordé à l’écoute ;
l’écoute des autres, l’écoute du centre, l’écoute de soi et l’écoute de
l’univers. Chacun est encouragé à s’exprimer, même de façon maladroite… ce qui,
dès le départ, autorise la prise de parole pour ceux qui n’osent la prendre
habituellement. En écoutant vraiment l’autre,
nous apprenons à le voir tel qu’il est et non tel que nous le formatons
inconsciemment, et nous finissons par comprendre que, dans la confrontation des
opinions, personne n’a raison, mais que chacun a simplement son point de vue. L’exercice
de « l’anneau central », aussi appelé « météo à la corde, un
outil systémique pratiqué en sociocratie,
propose aux participants assis en rond, d’expérimenter la prise de parole dans sa
dimension physique et énergétique. Chacun est relié à un anneau central par un
fil tendu qu’il tire à lui s’il souhaite parler –ou qu’il laisse aller pour
permettre la parole de l’autre. Tirer la parole à soi suppose d’exercer clairement
une tension sur le fil tendu. De l’autre côté, cette tension est ressenti dans
les mains et dans tout le corps. En suivant le mouvement d’appel on répond –ou
pas, consciemment à la demande de parole de l’autre. Chaque prise de parole se conclu par un
« j’ai dit » et la remise de l’anneau au centre, de façon à permettre
à la personne suivante de « tirer » la parole à elle sans avoir à la
« voler ». La pratique du cercle est renouvelée en diverses occasions,
pour faire la météo du matin par exemple (connaître l’humeur et la prédisposition
de chacun), pour régler des questions d’organisations pratiques ou encore pour
s’initier à la prise de décision par consentement, un autre pilier de ces
ateliers.
La gestion par consentement ; un outil de prise de décision
Prendre une décision n’est jamais facile, qui plus est une décision
collective. Soit nous nous enlisons dans des palabres interminables, soit nous
tranchons dans le vif pour justement éviter ces discussions chronophages. Comment
trouver le juste milieu et ne frustrer personne par une décision
partiale ? L’UDN estime qu’ « une bonne décision est une
décision qui respectent les limites de ceux qui devront vivre avec » et,
partant de ce postulat, propose un mode de gestion par consentement (où
personne ne dit « non ») plutôt que par consensus (où tout le monde
dit « oui »). Cela signifie qu’aucune décision ne sera adoptée par le
groupe tant que quelqu’un opposera une objection dite « raisonnable ».
Une objection raisonnable est une objection que l’on ne fait pas à la légère,
que l’on fait après un temps de réflexion et de centrage, qui n’est pas une
préférence, motivée par notre propre confort ou notre plaisir. C’est une
objection argumentée qui peut bonifier la proposition initiale en sollicitant
la créativité du groupe et qui devient, par là même, un cadeau pour le
« nous ».
Comment le travail sur le « nous » influe sur nos « je ».
Pratiquer ces « exercices » nous amène à traverser de
nombreux ressentis aussi bien liés au
travail en cours dans le groupe qu’à nos
propres mouvements intérieurs. Il n’est pas rare de se trouver dans des
situations d’inconfort –de tristesse, de douleur, d’injustice,
d’incompréhension…… qui parlent de nos limites, de nos faiblesses, mais aussi
de nos richesses. Ces situations nous permettent d’observer nos réactions par
rapport à l’autorité, à la contrariété, à la prise de parole de
l’autre..., d’identifier nos enjeux
personnels et de les dissocier de ceux du groupe, de repérer les processus parallèles en cours
et d’apporter notre part de vérité tout en restant relié au groupe. Le cadre de
bienveillance proposé nous autorise à lâcher nos peurs un instant (peur du
regard d’autrui, peur de dire des bêtises, peur de ne pas être aimé, peur de ne
pas être à la hauteur) et à naviguer dans le sens du courant en toute humilité.
Les Ateliers du Nous n’ont pas, à
proprement parlé, de vocation thérapeutique, mais le travail vers le
« nous » amène immanquablement un questionnement sur le
« je ».
Des ateliers artistiques pour
favoriser l’émergence des talents de chacun
Les échanges, formels ou informels, s’intensifient progressivement et
les temps artistiques ponctuent les journées d’une saveur particulière. Parmi
les ateliers proposés, celui du conte participatif est le plus surprenant. Dans
un décor préparé avec les moyens du bord, des acteurs-spectateurs sont invités
à co-construire l’histoire qui s’invente sous leurs yeux. Un conteur –qui change à chaque fois, prend
la place centrale et demande à l’assemblée des mots qui serviront de trame à
son histoire, qu’il tisse ensuite avec les aides réparties autour de lui :
des musiciens, des souffleurs, des bruiteurs…qu’il sollicite à tour de rôle
pour inventer l’histoire. Les espaces
sensoriels proposés, font intégralement partis du voyage de l’AdN et permettent
une intégration des outils et des expériences vécues en cercle à un autre niveau. Tous les exercices
sensoriels et les pratiques artistiques approfondissent les éléments
précédemment acquis et ouvrent un autre
champ de perception. Le lien avec la nature est capital et ramène l’équipe à la
dimension dynamique du pilotage et la gouvernance dite « vivante ». Les temps off sont précieux pour consolider
les apprentissages et les liens qui se tissent autour d’un repas, d’une
vaisselle ou d’une nuit sous les étoiles. Le rire, la convivialité, la
sincérité, le plaisir d’explorer ensemble dans une même direction, donne envie
d’aller plus loin à la rencontre de nos profondeurs et d’être plus intègre et
plus vrai dans notre relation aux autres. A ce titre, le Jeu du Tao[4], un des outils pilier de l’UDN, invite les participants d’une même tablée à
vivre une situation de solidarité et de coopération immédiate en proposant à
chacun de mettre ses talents au service de la réussite du projet de l’autre et,
à poursuivre cette aide dans la vie concrète par la suite. L’ensemble de ces
outils, proposé en complémentarité par l’UDN, a pour objectif de mettre
progressivement notre transformation
personnelle au service de la transformation collective.
Une évolution progressive vers
un changement de regard
Peu à peu notre perception change, nous ne regardons plus les autres
avec les mêmes yeux, nous n’écoutons plus avec les mêmes oreilles… Des paroles
de sagesse, fondées sur un meilleur centrage et plus d’intégrité de chacun, fleurissent au sein du cercle. Nous
éprouvons comme un accroissement de
l’intensité avec laquelle nous vivons et plus de respect et de curiosité pour
chaque personne que nous croisons. C’est
une grande leçon d’humilité ; les plus timides se révèlent entreprenants, les
plus ombrageux se révèlent brillants, les plus égoïstes se révèlent généreux…
loin des « étiquettes » et les possibles « a priori ». Par le jeu des résonnances avec les propos et
les idées des autres, nous commençons à déceler une forme de fraternité d’esprit
et à pressentir ce « nous » en cours de construction, comme un
heureux présage de la transformation du monde.
Comment transmettre
l’apprentissage
En fin de séminaire, la question qui émerge souvent est « comment vivre
ces valeurs au quotidien et réussir à appliquer ces principes dans les
structures dans lesquelles nous sommes investis ? » La tâche semble
énorme, et nos (mauvaises) habitudes
prêtes à revenir au galop. A première vue, il semble impossible d’imposer ces
concepts dans notre quotidien sans soulever un vent de révolte et
d’incompréhension. Certains préconisent la
technique des petits pas, c’est-à-dire proposer ponctuellement des ouvertures
adaptées aux situations rencontrées, en
invitant les autres personnes du groupe à participer à des formations, en
proposant de se faire accompagner par l’UDN, ou une autre structure travaillant dans la
même direction, et en diffusant l’information autour de soi. Ce qui est important
avant tout est d’avoir goûté à la saveur de nouveaux possibles et de proposer à
notre entourage de la partager.
[1] Putain
de Facteur Humain qui peut être transformé en Précieux Facteur Humain.
[2] Mais
également de multiples propositions d’accompagnement pour les structures, pour
les individus, pour les familles….
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