dimanche 9 juin 2013

Réinventons l’agir ensemble!


... avec l'Université du Nous

 
 « Les problèmes auxquels nous sommes confrontés ne peuvent être résolus avec les mêmes niveaux de pensée que ceux qui les ont générés ».

                                                                                                                                                    Einstein
 



Construire le monde nouveau que nous souhaitons voir advenir suppose d’entrer dans de nouveaux modes de fonctionnement et de coopération. Habitués à nos modèles où prévalent la compétition et le pouvoir, nous avons besoin d’outils pertinents pour ré-aprendre à vivre et à faire ensemble en harmonie. Aujourd’hui, parmi les diverses propositions qui émergent, « l ’Université du Nous » nous invite, à travers les ateliers qu’elle organise, à explorer des pistes novatrices et nous accompagne sur le chemin de notre transformation collective.
 Article paru dans la revue Alliance n°31


Un soif de construire ensemble
Dans notre époque en ébullition, nous sommes nombreux à nous engager dans des projets collectifs propres à favoriser la transition vers ce monde auquel nous aspirons. De multiples initiatives fleurissent chaque jour, comme l’annonce d’une aube nouvelle, gonflées de sève, d’enthousiasme et de nobles idéaux ; des eco-villages, des collectifs citoyens, des mouvements pour l’écologie ou pour la paix … Mais nombreuses aussi sont les désillusions face à ce qui se révèle être, au bout du compte, notre incapacité – ou notre manque d’expérience, à vivre et à faire ensemble. Même si au départ nous partageons les mêmes valeurs et les mêmes objectifs, nous nous retrouvons démunis face aux problèmes relationnels ou organisationnels qui finissent souvent par avoir raison des plus beaux projets. Malentendus nés d’une communication déficiente, gouvernance flottante, prises de pouvoir abusives  ou tout simplement de ce que Pierre Rabhi appelle le PFH[1], les écueils sont multiples.
 
 Comment accorder nos violons…

 

 



Malgré notre désir profond, nous constatons ainsi que jouer une symphonie en musicien débutant ne va pas de soi. Sans chef d’orchestre, sans partition commune, sans travail personnel et sans l’écoute des autres, chaque instrument voudra jouer sa propre mélodie et rendra le concert impossible. Nous ne pourrons « accorder nos violons » et construire ce monde d’harmonie qu’en acceptant de fendre la coquille de nos habitudes et de nous laisser accompagner par des personnes expérimentées. Des précurseurs travaillent à défricher le terrain des possibles et à élaborer des outils adaptés aux défis de notre temps (voir encadré). Parmi eux, l’Université du Nous nous invite à expérimenter des propositions innovantes résultant d’un long travail de réflexion et d’expérimentation sur le chemin du vivre et du faire ensemble.

L’Université du nous, un outil au service du vivant.

« La vie est une création qui me dépasse et dont je fais partie. Je ne suis pas ici pour la contrôler ou la dominer, mais pour l’accompagner et l’honorer » paroles de  l’UDN.
L’Université du Nous propose des formations de trois jours en résidentiel « les Ateliers du Nous » (AdN) , se déroulant le plus souvent dans des écovillages, des lieux alternatifs ou en nature[2]. Durant ces ateliers, les participants sont invités à découvrir une palette d’outils du faire ensemble –gouvernance écologique,  aide à la décision, élection sans candidat, gestion de conflit, intelligence collective…, tout en les expérimentant in vivo au sein du groupe. L’un des fondements de l’UDN est de considérer toute forme d’organisation  -à commencer par les structures humaines, comme un système vivant possédant ses propres équilibres et sa propre dynamique ; elle cherche avant tout à respecter ces systèmes dans leur intégrité. En ce sens, chaque séminaire proposé par l’UDN est un voyage unique. Le navire sur lequel s’embarque les passagers ne va pas là où le vent souffle le plus fort, ni là où le capitaine souhaite aller, mais là où les vents, les courants et les marées  le conduisent, sous l’œil avisé de l’équipage.  Dans ce genre de voyage, la destination finale importe tout autant que la  façon d’y arriver.

Les premiers pas…

La navigation en eau profonde ne commence qu’une fois les cadres de sécurité posés : la bienveillance (pour soi, pour l’autre, pour le groupe), l’absence de passage à l’acte (verbal ou physique), la confidentialité, la souveraineté (chacun prend la responsabilité d’exprimer ses besoins, de poser des questions, de faire des propositions ou des objections…,), le respect des horaires et l’application des décisions prises en groupes. Le séminaire peut ensuite se dérouler à son rythme, dans une alternance souple et étudiée entre des temps d’enseignement –où sont présentés les principaux outils du vivre et du faire ensemble, des temps de pratique où ces processus sont expérimentés par des mises en situation concrètes, des temps consacrés au corps et aux sens, avec de la danse, du chi-gong, du yoga, du tai-chi…, des temps ré-créatifs, des temps de silence, des temps en nature, des temps de marche méditative et des soirées artistiques. La richesse des Ateliers du Nous repose sur la diversité et la complémentarité des approches. Au côté de Lydia et de Laurent, les précurseurs du projet, dotés d’un précieux bagage en matière de psychologie, de coaching et de développement personnel, se rassemblent aujourd’hui une dizaine d’animateurs proposant une palette d’outils élaborés au service du « nous ». L’ambiance de ces journées est à la fois sérieuse, de par l’importance que chacun accorde à la tâche, et détendue, laissant poindre, de-ci de-là d’interminables fous-rires. Les tensions ne sont pas rares non plus, mais deviennent au sein du processus, les révélateurs des nœuds  à résoudre ou d’une vérité qui cherche à s’exprimer. Fait rare, l’équipe de l’UDN se propose de vivre conjointement avec le groupe, tout ce qu’elle propose. Si, par exemple, les animateurs se trouvent à un moment donné en situation de tension, de conflit ou d’indécision, ils pourront le cas échéant,  se réunir devant les participants pour leur montrer « in situ » comment eux-mêmes gèrent des problèmes avec les outils étudiés par le groupe. Un exercice impressionnant, effectué sans filet ! Pour réaliser cette performance, l’équipe a développé une grande complicité, un engagement « corps et âmes » dans son entreprise et une grande soif d’intégrité et de vérité.

Comment cheminer vers un mode de gouvernance écologique[3] ?

L’objectif de ces ateliers est d’amener les participants à vivre des situations inhabituelles propres à les sortir de leurs modes de fonctionnement obsolètes et à les ouvrir à d’autres formes  de gouvernance.  Le mot gouvernance peut faire peur dans un premier si on l’entend au sens de « gouverner ». Si on l’entend au sens de « gouvernail », comme l’outil de navigation qui  permet à un bateau de garder son cap, il devient plus « familier ».  La gouvernance, telle que définie par l’UDN, est tout simplement le cadre dans lequel nous élaborons et appliquons les règles de notre « faire ensemble ». Elle  définit  les rôles et les responsabilités de chacun au sein du groupe et régit les modalités de prise de parole, de prise de décision ou de résolution des conflits… Les modes de gouvernance qui régissent habituellement nos structures s’appuient sur des hiérarchies pyramidales, sur le pouvoir de l’égo dominant, sur les relations de force ou de compétition… Sortir des mécanismes demande un réel effort de conscience et de volonté. Il semble donc crucial pour notre société en construction de s’appuyer sur des outils ayant fait leur preuve ou qui émergent progressivement, tels que la communication non-violente, la pratique du cercle, les modes de décision qui offre un pouvoir équivalent à chacun, les apports de la sociocratie ou de l’holacratie, le forum ouvert tels que le pratiquent par exemple les « colibris »… Ces méthodes favorisent l’émergence de la créativité individuelle au service de l’intelligence collective, répondent aux besoins de reconnaissance de chacun, apportent un surcroît de sens à l’entreprise dans laquelle nous choisissons de nous investir en stimulant notre intérêt pour la relation humaine, et donnent au projet une dimension supplémentaire: le plaisir.

La pratique en cercle ; apprendre à écouter, apprendre à parler

 
 
Parmi ces méthodes, la pratique du cercle est fondamentale. Elle permet d’ouvrir un espace privilégié pour la concertation ou la prise de décision, un espace où la parole peut émerger et les conflits se résoudre dans la bienveillance et la sécurité. Le premier « cercle » proposé dans les ateliers donne le « LA » de tous les autres et met en évidence le soin accordé à l’écoute ; l’écoute des autres, l’écoute du centre, l’écoute de soi et l’écoute de l’univers. Chacun est encouragé à s’exprimer, même de façon maladroite… ce qui, dès le départ, autorise la prise de parole pour ceux qui n’osent la prendre habituellement.  En écoutant vraiment l’autre, nous apprenons à le voir tel qu’il est et non tel que nous le formatons inconsciemment, et nous finissons par comprendre que, dans la confrontation des opinions, personne n’a raison, mais que chacun a simplement son point de vue. L’exercice de « l’anneau central », aussi appelé « météo à la corde, un outil systémique pratiqué en sociocratie, propose aux participants assis en rond,  d’expérimenter la prise de parole dans sa dimension physique et énergétique.  Chacun est relié à un anneau central par un fil tendu qu’il tire à lui s’il souhaite parler –ou qu’il laisse aller pour permettre la parole de l’autre. Tirer la parole à soi suppose d’exercer clairement une tension sur le fil tendu. De l’autre côté, cette tension est ressenti dans les mains et dans tout le corps. En suivant le mouvement d’appel on répond –ou pas, consciemment à la demande de parole de l’autre.  Chaque prise de parole se conclu par un « j’ai dit » et la remise de l’anneau au centre, de façon à permettre à la personne suivante de « tirer » la parole à elle sans avoir à la « voler ». La pratique du cercle est renouvelée en diverses occasions, pour faire la météo du matin par exemple (connaître l’humeur et la prédisposition de chacun), pour régler des questions d’organisations pratiques ou encore pour s’initier à la prise de décision par consentement, un autre pilier de ces ateliers.

La gestion par consentement ; un outil de prise de décision

 
Prendre une décision n’est jamais facile, qui plus est une décision collective. Soit nous nous enlisons dans des palabres interminables, soit nous tranchons dans le vif pour justement éviter ces discussions chronophages. Comment trouver le juste milieu et ne frustrer personne par une décision partiale ? L’UDN estime qu’ « une bonne décision est une décision qui respectent les limites de ceux qui devront vivre avec » et, partant de ce postulat, propose un mode de gestion par consentement (où personne ne dit « non ») plutôt que par consensus (où tout le monde dit « oui »). Cela signifie qu’aucune décision ne sera adoptée par le groupe tant que quelqu’un opposera une objection dite «  raisonnable ». Une objection raisonnable est une objection que l’on ne fait pas à la légère, que l’on fait après un temps de réflexion et de centrage, qui n’est pas une préférence, motivée par notre propre confort ou notre plaisir. C’est une objection argumentée qui peut bonifier la proposition initiale en sollicitant la créativité du groupe et qui devient, par là même, un cadeau pour le « nous ».  

Comment le travail  sur le «  nous »  influe sur nos « je ».

Pratiquer ces « exercices » nous amène à traverser de nombreux  ressentis aussi bien liés au travail en cours  dans le groupe qu’à nos propres mouvements intérieurs. Il n’est pas rare de se trouver dans des situations d’inconfort –de tristesse, de douleur, d’injustice, d’incompréhension…… qui parlent de nos limites, de nos faiblesses, mais aussi de nos richesses. Ces situations nous  permettent d’observer nos réactions par rapport à l’autorité, à la contrariété, à la prise de parole de l’autre...,  d’identifier nos enjeux personnels et de les dissocier de ceux du groupe,  de repérer les processus parallèles en cours et d’apporter notre part de vérité tout en restant relié au groupe. Le cadre de bienveillance proposé nous autorise à lâcher nos peurs un instant (peur du regard d’autrui, peur de dire des bêtises, peur de ne pas être aimé, peur de ne pas être à la hauteur) et à naviguer dans le sens du courant en toute humilité. Les Ateliers du Nous n’ont pas,  à proprement parlé, de vocation thérapeutique, mais le travail vers le  « nous » amène immanquablement un questionnement sur le « je ».

Des ateliers artistiques pour favoriser l’émergence des talents de chacun

Les échanges, formels ou informels, s’intensifient progressivement et les temps artistiques ponctuent les journées d’une saveur particulière. Parmi les ateliers proposés, celui du conte participatif est le plus surprenant. Dans un décor préparé avec les moyens du bord, des acteurs-spectateurs sont invités à co-construire l’histoire qui s’invente sous leurs yeux.  Un conteur –qui change à chaque fois, prend la place centrale et demande à l’assemblée des mots qui serviront de trame à son histoire, qu’il tisse ensuite avec les aides réparties autour de lui : des musiciens, des souffleurs, des bruiteurs…qu’il sollicite à tour de rôle pour inventer l’histoire. Les espaces sensoriels proposés, font intégralement partis du voyage de l’AdN et permettent une intégration des outils et des expériences vécues en cercle  à un autre niveau. Tous les exercices sensoriels et les pratiques artistiques approfondissent les éléments précédemment acquis et ouvrent  un autre champ de perception. Le lien avec la nature est capital et ramène l’équipe à la dimension dynamique du pilotage et la gouvernance dite « vivante ».  Les temps off sont précieux pour consolider les apprentissages et les liens qui se tissent autour d’un repas, d’une vaisselle ou d’une nuit sous les étoiles. Le rire, la convivialité, la sincérité, le plaisir d’explorer ensemble dans une même direction, donne envie d’aller plus loin à la rencontre de nos profondeurs et d’être plus intègre et plus vrai dans notre relation aux autres.  A ce titre, le Jeu du Tao[4],  un des outils pilier de l’UDN,  invite les participants d’une même tablée à vivre une situation de solidarité et de coopération immédiate en proposant à chacun de mettre ses talents au service de la réussite du projet de l’autre et, à poursuivre cette aide dans la vie concrète par la suite.  L’ensemble de ces outils, proposé en complémentarité par l’UDN, a pour objectif de mettre progressivement notre  transformation personnelle au service de la transformation collective.
                                                                              
Une évolution progressive vers un changement de regard
Peu à peu notre perception change, nous ne regardons plus les autres avec les mêmes yeux, nous n’écoutons plus avec les mêmes oreilles… Des paroles de sagesse, fondées sur un meilleur centrage et plus d’intégrité de chacun,  fleurissent au sein du cercle. Nous éprouvons  comme un accroissement de l’intensité avec laquelle nous vivons et plus de respect et de curiosité pour chaque personne que nous croisons.  C’est une grande leçon d’humilité ; les plus timides se révèlent entreprenants, les plus ombrageux se révèlent brillants, les plus égoïstes se révèlent généreux… loin des « étiquettes » et les possibles « a priori ».  Par le jeu des résonnances avec les propos et les idées des autres, nous commençons à déceler une forme de fraternité d’esprit et à pressentir ce « nous » en cours de construction, comme un heureux présage de la transformation du monde.
Comment transmettre l’apprentissage
En fin de séminaire, la question qui émerge souvent est « comment vivre ces valeurs au quotidien et réussir à appliquer ces principes dans les structures dans lesquelles nous sommes investis ? » La tâche semble énorme,  et nos (mauvaises) habitudes prêtes à revenir au galop. A première vue, il semble impossible d’imposer ces concepts dans notre quotidien sans soulever un vent de révolte et d’incompréhension. Certains  préconisent la technique des petits pas, c’est-à-dire proposer ponctuellement des ouvertures adaptées aux  situations rencontrées, en invitant les autres personnes du groupe à participer à des formations, en proposant de se faire accompagner par l’UDN,  ou une autre structure travaillant dans la même direction, et en diffusant l’information autour de soi. Ce qui est important avant tout est d’avoir goûté à la saveur de nouveaux possibles et de proposer à notre entourage de la partager.




[1] Putain de Facteur Humain qui peut être transformé en Précieux Facteur Humain.
[2] Mais également de multiples propositions d’accompagnement pour les structures, pour les individus, pour les familles….
[3] L’art de prendre des décisions respectueuses de l’équilibre d’un système vivant
[4] Le jeu du tao sur www.taovillage.com



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