La nourriture
est l’espace d’accueil par excellence de notre transformation, car elle nous
relie au monde par tous les « bouts » de notre être - corps, cœur,
esprit… Partant du constat d’effroyable prédation que nous opérons sur le
vivant, et de cette rupture qui signe notre séparation de la nature, des autres
êtres sensibles, de nous-même et du divin, comment la nourriture peut-elle
justement nous conduire à développer une relation de douceur et de non-violence
avec le monde ? Comment, sur notre chemin d’évolution, peut-elle nous
permettre de passer de la séparation à la communion ?
Selon le principe
d’unité fondamentale présent dans diverses traditions spirituelles, notre corps
et le corps de la terre, temples sacrés de la vie, sont unis dans une étroite
relation d’interdépendance. C’est dans cette relation qui m’unit pareillement aux
étoiles et aux bactéries…, que j’existe. Seul, je ne suis rien. En ce sens, se
nourrir est un acte éminemment symbolique (qui, selon son étymologie
signifie : « mettre ensemble », « joindre »), car
il me relie au monde, et cela dans une
double dynamique : de lui à moi, par les aliments (sa matière) que j’ingère
(« je suis ce que je mange »), de moi à lui par la prédation plus ou
moins grande que j’exerce sur lui. Cette nourriture, trait d’union entre mon
corps et le corps de la terre, à
l’instar de l’eau, de l’air et d’autres nourritures plus subtiles (lumière,
énergies…) signe mon inter-être avec le monde, en même temps que ma survie. Elle
engage simultanément ma responsabilité à l’égard du vivant dans son ensemble.
Une
violence généralisée
Sans s’étendre sur
le constat désastreux de notre prédation sur le monde, notamment par la
généralisation de l’agriculture, de l’élevage et la pêche industrielle, il faut
cependant ouvrir les yeux sur la réalité actuelle, ne serait-ce que pour nous
encourager à la transformer. Le fait est que, par la simple action de mettre un
aliment dans notre bouche, nous commettons multiples violences : violence à
la terre que nous polluons par toutes formes de toxines (pesticides, engrais,
déchets plastiques, déjections multiples…) et dont nous suçons les mamelles
exsangues comme des chatons avides, violence aux autres humains – qu’ils soient
d’ ici, d’ailleurs et de demain, spoliés de leurs ressources minimales par
notre consommation excessive, violence aux êtres vivants que nous tuons,
volontairement ou inconsciemment (animaux d’élevage, poissons, mais aussi
toutes les micro-vies présentes sur la terre et dans les airs), violence à ceux
qui, privés du choix de leur alimentation, sont obligés d’ingérer une
nourriture toxique (enfants dans les cantines, malades dans les hôpitaux,
personnes âgées dans les hospices…). Lire la suite....
La « faute » qui m’intéresse est
celle que je peux porter et transformer, en décidant à l’instant de ne plus en être
ni complice, ni victime. Refuser la complicitéavec une société qui arbore la
surconsommation - et partant, le surpoids d’enfants obèses à 12 ans, comme les
marqueurs indiscutables du progrès et du bien-être, et le gaspillage qui lui
est corollaire[1]. Refuser
le déni qualitatif permanent, inversement proportionnel à la surabondance.
Refuser ces produits qui, pour répondre aux seuls critères de rentabilité et de
productivité, occasionnent des maux à notre corps - diabète, maladies
cardio-vasculaires, scléroses, cancers liés à l’alimentation et l’environnement
etc…, et à la terre, souffrant elle aussi sans sa chair.
Nous avons certes le
droit et la nécessité de nous nourrir, mais c’est dans le « comment »
et le « quoi » que nous pouvons exercer notre liberté et notre
responsabilité. A la puissance de prédation doit répondre notre soif de
modération et notre faim d’équité. Développer une attitude basée sur la
sobriété (moins consommer), la solidarité avec les humains (donner et partager)
et tous les êtres vivants (ne plus tuer), l’autonomie (cultiver nos propres
aliments), et la conscience (de la portée de nos actes et de nos limites), est
à la fois un impératif éthique et un antidote puissant à la destruction causée
par le modèle agro-industriel dominant, à la malbouffe, à la violence et à la
misère.
L’élevage industriel, un « extrémisme
normé »
Une des principales causes de cette violence réside dans la consommation abusive que nos sociétés « développées », ou en passe de l’être[2], font de chair animale (viande et poisson). L’augmentation notoire de la production de viande[3], couplée à la généralisation du mode d’élevage industriel – 90% de la viande que nous consommons en est issu, a des conséquences parfois irréversibles sur l’environnement, les hommes et les bêtes. La première est celle de la déforestation massive[4], notamment des forêts tropicales, remplacées par d’immenses zones de pâturages ou de culture de soja (le plus souvent OGM) destinées à l’alimentation de « notre » bétail. Partant, avec la forêt disparaissent la faune et la flore si riche de ces régions, les peuples autochtones, les petits paysans privés de leurs terres et de leurs ressources vivrières…. Dans le même temps, cela contribue à l’augmentation de l’effet de serre et au dérèglement climatique[5]. Par le gaspillage des terres et des ressources qu’il engendre, l’élevage industriel contribue également au développement de la faim dans le monde.
De fait, les 35% des céréales produites pour élever le bétail pourrait nourrir le milliard d’individus malnutris! Nombreux autres problèmes environnementaux ou sanitaires, tels que la pollution et le gaspillage de l’eau, la pollution des sols, l’utilisation des antibiotiques et hormones pour faire grandir les animaux –et qui se retrouvent dans nos cellules, viennent encore alourdir le constat.
Mais
cette violence faite à la vie dans son ensemble se trouve encore aggravée par
la violence directe faite aux animaux. Réduits
à l’état d’objet, dans nos cœurs et dans nos lois, les mammifères, volailles ou poissons issus
d’élevages industriels sont victimes de multiples maltraitances que nous
trouvons d’autant plus «acceptables » qu’elles ne se produisent pas sous
nos yeux. Avons-nous le droit de faire souffrir des êtres sensibles ?
Avons-nous le droit de les tuer ? Ces questions demandent réponse, mais
suscitent généralement un silence gêné, des auto-justifications puériles[6],
voire, une levée de boucliers ! Pourtant, il en va de notre dignité et de
la leur d’oser le face à face avec une réalité que nous avons trop longtemps
ignorée.
58 milliards d’animaux terrestres tués dans le monde chaque année pour la
viande
1,1 milliards d’animaux terrestres abattus chaque année en France pour la
viande
1000 milliards de poissons pêchés dans le monde par an
1 500 litres d’eau sont nécessaires pour produire 100 gr de steak
(contre 15 l pour 100 grde blé)
S’abstenir de viande une journée permet d’économiser près de 5 000 litres
d’eau
(contre 35 l en fermant le robinet durant le brossage de dents)
Les pâturages occupent ¼ des terres émergées et la production fourragère
pour
nourrir le bétail couvre environ 1/3 des terres arables
Au total, ce sont 70% des terres à usage agricole en Amérique du sud[8]
qui, directement ou indirectement, sont consacrées à l’élevage.
7 kg de céréales sont nécessaires pour produire 1 kg de boeuf
Il faut une surface de 300 m2 de terre pour produire 1 kg de boeuf
(contre 16 m2 pour l’équivalent en blé et 6m2 pour les pommes de terre)
De
la prédation à la communion, un chemin de transformation
Quels mécanismes obscurs
nous permettent d’accepter ces horreurs que nous ne pouvons plus ne pas
connaitre ? Dans son ouvrage, Plaidoyer
pour les animaux, Matthieu Ricard dresse un tableau clair de toutes les situations d’abus vis-à-vis des
animaux : élevage industriel, mais aussi chasse, cirque, corridas, zoo,
delphinarium et autres « pratiques » délétères…, et nous appelle d’urgence
à sortir de nos résistances et notre aveuglement pour nous ouvrir, enfin, à
plus de bonté et de compassion. « Sauf
en ce qui concerne les populations qui ne peuvent survivre que grâce à la
chasse ou à la pêche, il me semble impossible de fournir une raison valable,
fondée sur la morale, la justice, la bienveillance ou la nécessité — et non sur
la gourmandise, les habitudes, les dogmes, les idéologies, le conformisme, le
profit, ou le manque d’information —, qui justifie le fait de se nourrir, de se
vêtir ou de se divertir au prix de la souffrance et de la mort d’autres êtres
sensibles » souligne-il. Qui plus est, nous déchargeons sur d’autres personnes
– souvent économiquement « obligées», la tâche de tuer, nous évitant ainsi
une confrontation directe à la souffrance et à la mort, qui pourrait pourtant être
salvatrice. Dans son enquête sur les dessous de l’élevage industriel[9],
Fabrice Nicolino dénonce notre lâcheté quotidienne et les souffrances que nos
modes de vie « normaux » engendrent chez les bêtes et chez les
hommes. Même en ne « faisant rien » (mais en laissant faire), nous
avons bien souvent nous aussi du sang sur les mains !
Certains
« gestes » peuvent nous sortir de l’impasse et nous accompagner sur
notre chemin de conversion ; parmi eux, demander pardon. Acte
spirituel de guérison par excellence, le pardon nous permet de dépasser la
culpabilité stérile et l’inertie et, à l’instar du starets Zozime dans les Les Frères Karamazov (Dostoïevski), de retrouver le chemin de la
dignité : «Admettons que ce soit folie de demander pardon aux oiseaux, mais les
oiseaux et l’enfant, et chaque animal qui vous entourent se sentiraient plus à
l’aise si vous-même étiez plus digne que vous ne l’êtes maintenant. ». Avec
le pardon, nous pouvons aussi remercier pour le don reçu de la vie dans son
ensemble, et pour la nourriture en particulier. Ce « rendre grâce »,
notamment présent dans l’Eucharistie (mot grec qui signifie « remercier »),
nous rend perméable au don de Dieu tout en nous liant, par la communion, les
uns aux autres (aux hommes, à Dieu, à l’Esprit et au reste de la création). Remercier par exemple avant de commencer un repas peut
changer radicalement notre perspective ; nous ne prenons plus, nous
recevons.
Sortir de
notre vision anthropocentrique et de notre pseudo supériorité face aux animaux
est une urgence. Comprendre l’interdépendance qui sous-tend les relations entre
tous les êtres, tels que l’enseigne l’hindouisme ou le bouddhisme notamment,
peut nous ouvrir les portes de la compassion et nous amener, à l’image d’un
saint François, à nous percevoir comme
les « petits frères et petites sœurs de la création»[10]
et non plus comme les « maitres et possesseurs de la nature »[11].
« L’interdépendance
des créatures est voulue par Dieu. Le soleil et la lune, le cèdre et la petite
fleur, l’aigle et le moineau : le spectacle de leurs innombrables diversités et
inégalités signifie qu’aucune des créatures ne se suffit à elle-même. Elles
n’existent qu’en dépendance les unes des autres, pour se compléter
mutuellement, au service les unes des autres » : nous dit
le Pape François dans son encyclique[12].
Nous passons ainsi de la
prédation à la communion, union fraternelle
avec chaque créature sur cette terre, que
nous ne pouvons plus traiter comme nous le faisions. « Quand le
cœur est authentiquement ouvert à une communion universelle, rien ni personne
n’est exclu de cette fraternité. … Toute cruauté sur une quelconque créature «
est contraire à la dignité humaine » nous dit le Pape François[13]
L’Ahimsa, principe de vie
« Parasparopagraho Jivanam » (les vies se
doivent un mutuel respect, en sanskrit)
Devise des Jaïns.
Cette compréhension de l’interdépendance débouche naturellement sur la pratique de la compassion qui, dans les traditions orientales se confond avec la notion d’«Ahimsa » - principe de non-violence, de non-nuisance, contenant l’idée essentielle de « vivre et de laisser vivre, en ne causant de mal à une créature vivante ». Déjà présent dans les Upasnishads, le principe d’Ahimsa se retrouve, à des degrés divers, dans l’hindouisme, le bouddhiste, le sikhisme ou le jaïnisme, qui lui, le pratique de façon la plus intégrale et qui a notamment inspiré le Mahatma Gandhi et Albert Schweitzer. Plusieurs « niveaux » de violence - et partant, de responsabilité, peuvent être distingués : - La violence accidentelle (induites lors de diverses tâches : construction d'une maison, d’une route, d’un puit, tenue des choses propres, circulation en voiture…) ; la violence professionnelle (commise dans l'exercice d'une occupation : agriculteur, commerçant, industriel, médecin….) ; la violence défensive (pour sauver une personne, un peuple…), et la violence intentionnelle (donnée à dessein ou en connaissance de cause, en chassant, en tuant pour s'amuser ou pour manger, en consommant de la viande…). C’est celle que chacun doit s’efforcer de combattre en priorité. Dans la philosophie bouddhiste, il est à noter que la compassion est considérée non seulement comme un principe moral, mais comme un principe d’harmonie vitale et relationnelle, une énergie de vie qui sous-tend et anime la toile et tous les vivants. Il ne peut donc y avoir de vie sans compassion et sans solidarité entre les êtres.
L’Ahimsa rejoint en ce sens le grand principe vital christique : « Aime ton prochain comme toi-même !». Mais, comme le dit Matthieu Ricard, à condition « d’étendre la notion de « prochain » aux autres formes de vie !».
Une
nourriture non-violente, gage de paix sur la terre
"Tant qu’il n’étendra pas le cercle de sa compassion à tous les êtres
vivants,
l’homme ne trouvera pas de paix." Albert Schweitzer
La pratique de l’Ahimsa – ou de la compassion, impliquerait
de facto, de choisir le végétarisme (aucune chaire animale, ni viande, ni
poisson), ou, pour être tout à fait cohérent, le veganisme (qui exclut tout
produit d’origine animale ; chaire, laitage, cuirs, poils…). Même si dans
nos pays à « forte tradition gastronomique » (sous-entendu qui ne
conçoivent pas un repas sans viande ou poisson) cette pratique alimentaire
reste marginale quoiqu’en augmentation dernièrement[14],
elle est pourtant une « utopie vécue » dans de nombreuses
cultures et traditions du monde[15].
Ainsi, dans l’hindouisme et le bouddhisme par exemple, le
végétarisme peut être pratiqué à divers degrés. A son degrés le plus fort, le
fait de tuer un animal, pour quelque raison que ce soit autre que le
soulagement de ses souffrances, même accidentellement, peut être considéré comme
un crime et être fermement puni, comme chez les Bishnois au Rahajastan par
exemple[16]. Une position qui, dans nos sociétés peut paraître radicale
mais qui, face à la violence extrême de nos modes d’élevage industriel, ne pèse
pas lourd dans la balance… Quand à l’approche de Pâques par exemple, les
abattoirs, regorgeant d’agneaux à exécuter, ne parviennent plus à suivre la
cadence et bâclent leur travail, nous sommes dans l’horreur absolue [17]
et dans un contresens total face à l’idéal de douceur et de non-violence
préconisé dans les Evangiles. Pourtant, la prescription du végétarisme est aussi présente dans
la Bible.
La nourriture que Dieu donne aux humains - comme aux animaux, dans la création des origines, est uniquement végétale et exclut, de fait, toute forme de prédation des humains sur les animaux, mais aussi des animaux entre eux. « Et Dieu dit: Voici, je vous donne toute herbe portant de la semence et qui est à la surface de toute la terre, et tout arbre ayant en lui du fruit d'arbre et portant de la semence: ce sera votre nourriture. Et à tout animal de la terre, à tout oiseau du ciel, et à tout ce qui se meut sur la terre, ayant en soi un souffle de vie, je donne toute herbe verte pour nourriture ». (Genèse 1- 29, 30,). Ce projet originel, remis en question par le péché, « rupture de la relation avec Dieu, avec le prochain, et avec la terre »[18] rejoint, par-delà ce temps que nous vivons depuis Noé, le projet du Royaume de Dieu (de l’advenir présent) prophétisé par Isaïe en cette magnifique vision de paix : « Le loup habitera avec l'agneau, et la panthère se couchera avec le chevreau. Le veau, le lionceau et le bétail… seront ensemble. Et un petit enfant les conduira ». Cette vision se retrouve, presque trait pour trait, dans l'imagerie populaire de l’Inde (voir la peinture où on observe une lionne et d’une vache qui se désaltèrent au même point d'eau, pendant que leurs petits respectifs tètent à l’inverse, le veau la lionne, et le lionceau la vache !).
La nourriture que Dieu donne aux humains - comme aux animaux, dans la création des origines, est uniquement végétale et exclut, de fait, toute forme de prédation des humains sur les animaux, mais aussi des animaux entre eux. « Et Dieu dit: Voici, je vous donne toute herbe portant de la semence et qui est à la surface de toute la terre, et tout arbre ayant en lui du fruit d'arbre et portant de la semence: ce sera votre nourriture. Et à tout animal de la terre, à tout oiseau du ciel, et à tout ce qui se meut sur la terre, ayant en soi un souffle de vie, je donne toute herbe verte pour nourriture ». (Genèse 1- 29, 30,). Ce projet originel, remis en question par le péché, « rupture de la relation avec Dieu, avec le prochain, et avec la terre »[18] rejoint, par-delà ce temps que nous vivons depuis Noé, le projet du Royaume de Dieu (de l’advenir présent) prophétisé par Isaïe en cette magnifique vision de paix : « Le loup habitera avec l'agneau, et la panthère se couchera avec le chevreau. Le veau, le lionceau et le bétail… seront ensemble. Et un petit enfant les conduira ». Cette vision se retrouve, presque trait pour trait, dans l'imagerie populaire de l’Inde (voir la peinture où on observe une lionne et d’une vache qui se désaltèrent au même point d'eau, pendant que leurs petits respectifs tètent à l’inverse, le veau la lionne, et le lionceau la vache !).
Considérer
les animaux pour eux-mêmes, autrement que dans l’utilité qu’ils peuvent avoir
pour nous, nous place résolument dans une nouvelle perspective. Chacun peut
« vivre, tout en laissant vivre » et, hors prédation, savourer des
relations pacifiées témoignant d’une « communion cosmique », telle
que de nombreux sages de diverses traditions, à l’instar de Saint-François, l’ont
vécu. « Et l'on voit alors les craintives gazelles et les bêtes fauves, ours et
lions en tête, venir lécher les pieds du yogin
enraciné dans l'ahimsa, la non-violence universelle » nous disent les
textes du Yoga-sûtra de Patanjali (II, 35)).
Sur
notre propre chemin de sainteté, sachant qu’il nous est encore impossible de
nous nourrir sans porter atteinte à une
forme de vie ou à une autre[19], nous pouvons toutefois comprendre
que ce monde de paix et d’harmonie existe dans un absolu intemporel (dimension
verticale) auquel nous pouvons connecter notre vie temporel (plan horizontal) à
chaque instant. Commençons par étendre la Loi
universelle « tu ne tueras point ! » à tous les êtres sensibles….
Mais où commence le sensible ? Les Jaïns, par exemple, étendent la notion
d’ahimsa au végétal et préfèrent manger un fruit ou un légume cueilli qu’une
plante déracinée ou coupée…..
En étant conscient de notre incapacité à consommer aujourd’hui une nourriture 100% non-violente, nous devons pourtant chercher à tendre au maximum vers cet idéal de compassion et de respect de la vie. Ainsi pourrons-nous espérer œuvrer à la « réparation de la séparation » et vivre cette communion universelle avec toute la création.
En étant conscient de notre incapacité à consommer aujourd’hui une nourriture 100% non-violente, nous devons pourtant chercher à tendre au maximum vers cet idéal de compassion et de respect de la vie. Ainsi pourrons-nous espérer œuvrer à la « réparation de la séparation » et vivre cette communion universelle avec toute la création.
Peut-être alors, ayant fait la paix
avec les animaux, et donnant ainsi « l’occasion » aux animaux de
faire la paix entre eux selon une intuition présente dans plusieurs traditions,
nous pouvons imaginer que la paix entre les hommes viendra plus facilement. La violence est
une, et la souffrance est une… qu’elle qu’en soit les destinataires. Aussi, comme
le dit avec
force Marguerite Yourcenar : "L’homme a peu de chances de cesser d’être un tortionnaire pour
l’homme, tant qu’il continuera à apprendre sur l’animal son métier de bourreau."
Tout est lié, et il n’est pas difficile de comprendre que la façon
que nous avons de vivre, et en particulier de nous nourrir, a une incidence
énorme sur le monde, visible et invisible. La paix sur terre, commence par la
paix dans notre assiette.
Christine Kristof-Lardet (publié initialement dans la revue Sources sur la "nourriture")
Une carême pour
la terre, 40 jours de paix et de solidarité avec la création
Le mouvement « Chrétiens Unis pour la
Terre », constitué de chrétiens
désireux d’allier leur engagement de foi et d’écologie, propose depuis quelques
années de vivre, à travers sa campagne « Un
carême pour la terre », un chemin sans viande et sans poisson
(c’est-à-dire végétarien) durant les 40 jours de carême. Conscients des ravages causés par l’élevage industriel, interpellés par cette violence faite à la
terre, aux hommes et aux animaux et ne souhaitant pas rester indifférents aux « gémissements »
de la création, des chrétiens de diverses origines ont décidé de poser un acte
de sobriété volontaire –et heureuse, et d’entrer en solidarité avec tous leurs
frères humains et non-humains, en vivant, et en proposant à d’autres de vivre, un
carême sans viande et sans poisson. Un site internet www.caremepourlaterre.org régulièrement
actualisé (dans la continuité d’un premier livret d’une vingtaine de pages),
propose des éclairages à la fois écologiques, théologiques, philosophiques et
même diététiques de cette question si vaste.
Cette initiative est proposée symboliquement –et
effectivement - durant les quarante jours de carême… pour mettre « le pied
dans la porte », mais elle vise également à encourager une possibilité de
« voir autrement » et pousser la réflexion plus avant sur l’incidence
de notre consommation de viande et de poisson d’origine industrielle sur
l’environnement, les humains et les bêtes, le restant de l’année ! Renforcée
dans sa pertinence par rapport à la question climatique et la publication du
l’encyclique du Pape Laudato Si’, cette campagne encourageant les personnes,
croyantes ou non, à adopter une pratique végétarienne, permet à chacun de faire
un pas concret sur le chemin de la conversion, ou de la transition vers un mode
de vie plus doux et plus respectueux. C’est aussi une façon concrète pour les
chrétiens de relier engagement de foi et engagement écologique dans une
démarche cohérente et qui fait sens, vers plus de sobriété, de douceur, de
solidarité, de fraternité….
Pistes de lecture (non exhaustives)
·
Les incontournables ouvrages d’Elisabeth de Fontenay dont : Le silence de Bêtes - La philosophie à l’épreuve
de l’animalité, Éd.
Fayard 1999, Sans offenser le genre humain : réflexions sur la cause animale
, Ed. Albin Michel, 2008. Des hommes et des bêtes , Ed. du Tricorne,
2000. Les Animaux aussi ont des droits, Ed. Seuil, 2013.
·
Les ouvrages d’Albert Schweitzer, dont : Respect
de la vie, Ed. Arfuyen, 1990
·
Les ouvrages de Théodore Monod, dont : Enfants de la Terre, Ed. Alice, 2000 ; Paix à la petite souris, Desclée de Bouwer, 2001 ; Révérence
à la Vie, Ed. Grasset 1999 ;
·
Les ouvrages de Florence Burgat, dont « Animal, mon
prochain, Ed. Odile Jacob, 1997 ; Une autre existence - La condition
animale, Paris, Albin Michel, 2012 ; Ahimsa. Violence et non-violence envers les
animaux en Inde. , Éd. de la Maison des sciences de
l'homme, 2014. La cause des
animaux - Pour un destin
commun, Paris, Buchet/Chastel, coll. « Dans le vif », 2015.
·
Les ouvrages de Corine Pelluchon, dont : Eléments pour
une éthique de la vulnérabilité. Les hommes, les animaux, la nature, Ed.Le Cerf, 2011. Tu ne tueras point. Réflexions sur l’actualité
de l’interdit du meurtre, Ed. Le Cerf, 2013. Les Nourritures,
Ed. du Seuil 2015.
·
Faut-il manger les animaux ? de Jonathan Safran Foer, Éd. L’Olivier, 2011
·
Bidoche : l’industrie de la viande menace le
monde »,
de Fabrice Nicolino, Éd. Les
Liens qui Libèrent, 2009.
·
Plaidoyer pour les animaux, de Matthieu Ricard,
Ed. Allary, 2014.
·
Un éternel Treblinka, de Charles Patterson, Éd. Calmann Lévy, 2008.
·
No Steak, la prochaine phase de notre évolution,
d’Eymeric
Caron. Ed. Fayard, 2013
A voir :
·
Le site de l’association L214- Ethique et
Animaux : www.l214.com, qui mène des enquêtes et
publie des documents qui nous ouvrent les yeux.
·
Le site de Viande Info pour tout comprendre des
impacts de l’élevage industriel : http://www.viande.info
·
Les films de Patrick Rouxel (http://patrickrouxel.com): Alma et le
scandale de l’industrie bovineau Brésil ( www.almathefilm.com) ou Green (sur la déforestation en Indonésie) /
·
Notre pain quotidien de Nikolaus Geyrhalter
·
Fast Food Nation de Richard Linklater
·
Nourrir l’avenir, de Kevin Garreaus.
·
Cowspiracy, de Kip Andersen, www.cowspiracy.com, enquête sur le silence qui
pèse sur l’élevage industriel.
Livres « Nourriture
non-violente »
·
Manger, voie spirituelle, collectif, Revue la Chair et le Souffle, Ed. Labor et Fides, 2014
·
Une autre
assiette - Claude Aubert (Éd.
Tridaniel),
·
Sans
viande et très heureux - François Couplan (Éd. Edisud)
·
Devenir
Végétarien - V.
Mélina, B. Charbonneau Davis et V.Harrison, Éd. de
l’homme).
[1] Env.40%
des produits alimentaires (entre production et consommation) partent à la
poubelle.
[2] L’Inde et la Chine, malheureusement rejoignent les
rangs des gros mangeurs de viande.
[3] En France, par exemple, la consommation de viande a quintuplé en deux siècles ! Les sources citées
dans cet article proviennent principalement des sites de viande info ( http://www.viande.info) ou de L214 (www.L214.com
)
[4] 13 Millions d’hectares de forêts disparaissent chaque
année (source www.WWF.fr), un rythme
qui équivaut à la perte annuelle de la surface de l’Angleterre !
[5] La
filière de l’élevage serait en effet responsable de 18 % à 25 % des émissions
totales de gaz à effet de serre !
[6] « Le lion, lui, y mange bien la gazelle ! »,
« On a toujours mangé de la viande ! », « Et le cri de la
carotte qui souffre quand on l’arrache ? » …
[7] Les sources
citées dans cet article proviennent principalement des sites de viande
info ( http://www.viande.info) ou de L214 (www.L214.com
)
[8] Voir le film Alma de Patick Rouxel sur www.almathefilm.com
[9] Bidoche.
Ed. LLL, 2009
[10] Expression empruntée à Jean Bastaire… dans les pas de
Saint-François
[11] Descartes
[14] Entre un et deux million de végétariens en France,
surtout des jeunes selon Matthieu Ricard.
[15] 1/2 milliard de personnes seraient végétariennes dans
le monde.
[16] Voir article dans le numéroXX de Sources.
[18] Encyclique du Pape §66
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire