La mort de l’Agneau vaut pour la mort des tous les
agneaux
A Pâques, ne sacrifions pas l'AGNEAU une deuxième fois |
"Le Christ commence donc par dire :
Tu n’as pas voulu ni agréé les sacrifices et les offrandes, les holocaustes et les sacrifices pour le péché, ceux que la Loi prescrit d’offrir. Puis il déclare :Me voici, je suis venu pour faire ta volonté. Ainsi, il supprime le premier état de choses pour établir le second. Et c’est grâce à cette volonté que nous sommes sanctifiés, par l’offrande que Jésus Christ a faite de son corps, une fois pour toutes" (He 10,4-10) [2]
Tu n’as pas voulu ni agréé les sacrifices et les offrandes, les holocaustes et les sacrifices pour le péché, ceux que la Loi prescrit d’offrir. Puis il déclare :Me voici, je suis venu pour faire ta volonté. Ainsi, il supprime le premier état de choses pour établir le second. Et c’est grâce à cette volonté que nous sommes sanctifiés, par l’offrande que Jésus Christ a faite de son corps, une fois pour toutes" (He 10,4-10) [2]
Jésus nous dit
clairement qu’il est venu au nom de Dieu « Me voici, je suis venu, mon Dieu,
pour faire ta volonté » et que,
dans cette venue, les sacrifices anciens n’ont plus lieu d’être et sont même
contraires à la volonté divine. La mort du Christ sur la Croix parachève ce
nouvel état des choses : tuer un animal au nom de Dieu est un contresens,
puisque non seulement cela va à l’encontre de ce que Jésus nous révèle de la Loi
de son Père, mais de surcroît cela "dépossède" le Christ
de sa crucifixion, de son sacrifice en le rendant vain ou tout au mieux en le
prenant pour un "mal-entendu", un
message entendu de travers ou pas entendu du tout. Lire la suite.....
Une tradition hébraïque qui date
Dans l’ancien Testament, nous lisons que le sacrifice de l’agneau pascal est ordonné par Dieu dans le contexte de la fuite du peuple juif d’Egypte (Exode 12-2). Il est dit à chaque famille israélite de tuer un agneau ou un chevreau mâle âgé d’un an… et de tracer avec son sang un signe au-dessus de la porte pour permettre à Dieu de reconnaitre son peuple, quand il lancera son "fléau" sur l’Egypte, et ainsi, de l’épargner. "On prendra de son sang et on en mettra sur les deux poteaux et sur le linteau de la porte des maisons et on le mangera...13 C’est cet épisode que les Juifs, hier comme aujourd’hui, commémorent à travers l’agneau pascal et les fêtes de Pâques (Pesah = sortie ou passage). "Vous rappellerez le souvenir de ce jour en le célébrant pour une fête en l'honneur de l'Eternel; cette célébration sera une prescription perpétuelle pour vous au fil des générations". Il s’agit donc en premier lieu d’une tradition juive, d’avant la venue du Christ, qui est reprise par les chrétiens sans qu’ils en situent bien l’origine et qui fait référence à un épisode révolu d’une histoire qui n’est pas la leur et dont ils seraient même exclus, puisqu’ils ne sont pas circoncis :" Voici une prescription au sujet de la Pâque: Aucun étranger n'en mangera"[3]. Commémorer cette fête au pied de la lettre, en s’appuyant sur l’abattage des agneaux, est donc non seulement "has been", mais aussi un contresens pour le chrétien. L’agneau (avec un « a » minuscule) sacrifié pour la Pâque juive n’a, au départ, rien à voir avec l’Agneau (avec un « A » majuscule) des Évangiles.
L’Agneau de
Dieu qui enlève les péchés du monde
La première mention
de l’Agneau, le Christ cette fois-ci, dans les Évangiles (Jean 1-29-30) intervient
lorsque Saint-Jean Baptiste au Jourdain voyant Jésus venir à lui, s’exclame :
« Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le
péché du monde ! »[4].
Personne ne comprend alors ces paroles énigmatiques… et prophétiques. Cette
reconnaissance de Jésus, au sens de fort du terme (re-naitre-avec),
Jean-Baptiste l’a déjà vécu dans le ventre de sa mère, quand il
« tressaille » en elle, à peine Marie (enceinte de Jésus) franchit-elle
le seuil de la maison de sa cousine. A nouveau au Jourdain, il reconnait Celui
qui vient, de façon immédiate et définitive. Sait-il alors en voyant Jésus et
en prononçant ces mots que celui-ci est appelé à mourir pour le salut des
hommes ? Voit-il en Jésus, l’Agneau sacrifié sur la croix ? Ou
bien, à cet instant-là, les choses sont-elles encore ouvertes et la fin
tragique du Fils de Dieu "négociable"?
Dans son ouvrage, Le testament du Roc[5],
Denis Marquet nous ouvre des perspectives inattendues en évoquant deux textes
tirés du Testament des douze patriarches
présentant l’Agneau sous deux aspects radicalement opposés. Le premier texte
dans « Le testament de Joseph »
évoque un Agneau victorieux chassant les démons : « Et toutes les bêtes se ruent contre lui et l’agneau
les maitrise, les détruit et les foule aux pieds. Et, à cause de l’agneau, se réjouissent les
anges, les hommes et toute la terre ». Dans le second, dans « le Testament de Benjamin », l’Agneau-Christ doit mourir pour
sauver le monde : « En toi
sera accomplie la prophétie concernant le sauveur du monde, l’agneau de Dieu
sans tache qui, sans péché, sera livré pour les transgresseurs, mis à mort pour
les impies, dans le sang de l’alliance pour le salut d’Israël et des nations ».
C’est cette version qui sera choisie par les protagonistes de l’époque,
c’est-à-dire nous-mêmes à chaque instant, dans le sens où cet "évènement" n’est pas
à lire dans sa dimension temporelle, mais dans sa dimension spirituelle, non-évènementiel
et atemporelle qui nous concerne tous hier comme aujourd’hui. "Moi, je suis la Résurrection et la vie: celui qui croit en moi, fût-il mort, vivra, et quiconque vit et croit en moi ne mourra pas." (Jn 11,25-26) nous dit le Christ. En le crucifiant, nous refusons LA Vie que ne reconnaissons
pas et ne choisissons pas. Le Royaume est là, parmi nous, mais personne ne semble Le voir. « C’est Pilate qui prononce la sentence :
« tu seras crucifié ». Mais la peine de mort est ratifiée par tous
ceux qui, pour des raisons diverses, se sont refusés à entrer dans le Royaume
de Dieux » écrit l’historien José Antonio Pagola dans son ouvrage[6].
Eut-il été possible qu’il en fut autrement ? Tout est-il déjà écrit où
avons-nous encore le choix ? Pouvons-nous aujourd’hui inverser le cours
des choses ? Qu’aurais-je fais si j’avais vécu à l’époque du Christ ?
A quelle version est-ce que je choisis d’adhérer de l’agneau aujourd’hui ?
Ces interrogations sont notre actualité et nous ramènent à la question
fondamentale de notre liberté ; liberté de choisir la Vie ou de choisir la
mort… à chaque instant de notre
existence.
L’Agneau et l’agneau vont de paire
A Pâques, ne sacrifions pas l'AGNEAU une deuxième fois |
"Maltraité, il s'humilie, il n'ouvre pas la bouche: comme un agneau conduit à l'abattoir, comme une brebis muette devant les tondeurs, il n'ouvre pas la bouche"
Correspondance inouïe des images
qui se superposent… celles de l’innocence et de la pureté avançant vers la
mort. Bien plus qu’un parallélisme ‘’esthétique’’, émerge ici une véritable
fraternité de destin que l’Agneau et l’agneau partagent à cet instant-là. En
lisant avec précision les historiens qui retracent les jours et les heures de
la Passion dans le contexte de l’époque et des lieux, quelle surprise de
comprendre que le Christ est conduit à la croix à la même heure (quelques
heures avant le début du shabbat du vendredi soir et du début de la fête de
Pesah), et dans les mêmes lieux, (vraisemblablement les faubourgs mal famés du
Golgotha) que les agneaux que l’on presse pour être égorgés. « L’exécution des trois condamnés prend du
temps, et il reste peu d’heures avant le coucher du soleil qui marquera le
début des fêtes de Pâques. Les pèlerins et la population de Jérusalem se hâtent
de terminer les derniers préparatifs : certains montent au Temple pour
acheter l’agneau et l’égorger rituellement ; d’autres rentrent chez eux
préparer le repas. On respire dans les rues une atmosphère de fête. Partant du
palais du Préfet, un lugubre cortège se met en marche vers le Golgotha… »[7]
nous dit José Antonio Pagola. Sordide ! On pousse les agneaux, on le
pousse Lui aussi… Quel regard échangent-ils ? … Avancez ! Aucun
retard n’est acceptable, la fête commence dans quelques heures ! Que
diable ! Qu’ils se dépêchent de mourir, qu’on puisse enfin aller festoyer
en paix…
« Ce que vous faites au plus petit d’entre vous, c’est à moi que vous le faites ! » |
L’Agneau vivant?
Mort pour nos péchés…
Sans pouvoir même concevoir la portée de ce geste d’amour inouï, nous
comprenons que le Christ, en tant qu’Agneau de Dieu, sacrifié des sacrifiés,
l’est de tout temps, pour toute l’humanité et pour la Création toute entière
qu’il récapitule. Il endosse toutes les souffrances du monde, passé, présentes
et à venir. Tout autre sacrifice, en l’instant devient vain. Un nouvel ordre
des choses est instauré. Cet instant, cet acte, signe notre rédemption et celle
de toutes les créatures, la nouvelle Alliance entre l’homme et Dieu, la
réconciliation entre la terre et le ciel et nous ouvre à la vie éternelle. Rien
de moins !
Aussi, pour en
revenir à nos moutons, dire que nous mangeons de l’Agneau à Pâques dans un
esprit de sacrifice, ou parce que Dieu nous le demande ou comme une offrande au
ciel, est bien plus qu’un contresens ; c’est un blasphème, car il
contredit la parole divine et invalide la mort du Christ sauveur.
La seule
commémoration instituée par le Christ lui-même est celle de
l’Eucharistie ; communion par le pain et le vin à son corps et à son
sang – et non d’ailleurs, par un morceau
de viande ou du fromage de brebis. La communion par le pain et le vin (et non plus,
par pitié, par cette hostie industrielle issue de l’agro-industrie chimique…),
mystère de la vie offerte et partagée, signe l’ouverture à la vie nouvelle en
Christ et à notre désir et notre cheminement dans l’image et vers la
ressemblance de Dieu. Elle ouvre les portes du Royaume, de la Vie nouvelle et
éternelle et annonce la résurrection.
Descendre chez les
morts, dans les plus sombres profondeurs de notre humanité – il n’y a rien de
la misère du monde, de la moindre souffrance de la création qu’Il n’ait vécu…
Ce n’est que, touchant le "fond de la piscine", qu’il
est alors propulsé à travers la matière la plus dense jusqu’à la lumière. Ce
passage, littéralement la signification de Pâques (y compris pour nous), nous
parle de cette formidable transmutation de l’être à laquelle nous sommes
appelés dans la suite, et à l’identique du Christ, et sans laquelle l’histoire n’aurait
aucun sens. La résurrection du Christ est notre espérance, c’est-à-dire ce
point de mire qui nous permet de cheminer dans l’entre deux (de notre existence
conditionnée à notre nature divine) sans tomber dans le vide. « Agneau de Dieu
qui enlève le péché du monde, prends pitié de moi ! »
Oser le grand « OUI » de la résurrection
La résurrection est
un grand « OUI ! » à la vie. « Le l est ressuscité, en vérité il est ressuscité ! », Pâques,
c’est la lumière qui jaillit sur le monde, les portes du Royaume qui s’ouvrent,
et notre cœur qui s’emplit d’une joie ineffable quand sonnent les cloches de
l’Eglise… la vie qui pétille de toute part, la sève qui monte dans les arbres,
poussant plus avant les bourgeons vers la sortie, la nature qui exulte… C’est
dans ce OUI grandiose à la vie, quand tout redevient possible, que nous
choisissons justement de poser l’acte sacrilège de tuer ce « OUI»
dans l’œuf. En tuant l’agneau à peine sorti du ventre de sa mère, ce bébé qui
vient de naître comme nous venons de renaitre, nous accomplissons un acte dont
la portée symbolique nous échappe certainement. En tuant l’agneau pascal dans
notre assiette, c’est comme si nous tuions l’Agneau de Dieu, le Christ sauveur,
une deuxième fois. A l’instant où nous pourrions nous " en
sortir ", nous repartons pour un tour, pour une année de
traversée. Nous choisissons à nouveau le chemin de l’épreuve et de la
souffrance, nous refusons en quelque sorte le Royaume au nom de la fête.
Si nous osons la
regarder en face, l’image de l’agneau farci d’aïl sur la table du dimanche de
pâques devient douloureuse et même obscène. Elle contredit le message de
non-violence, de douceur et de paix porté par le Christ et les Evangiles. Elle
est en contradiction avec la vie, elle est une complicité avec l’ancien état
des choses, avec le monde d’avant, le monde des sacrifices, des holocaustes,
des idoles. Elle n’a plus rien à voir avec ce cheminement vers l’homme nouveau qui
s’accomplit durant le carême. « Devant toi,
j’ai mis la vie et la mort. Choisis la vie ! » nous dit-il,
et nous choisissons la mort. C’est point à la ligne. Sur le plan spirituel, cet
aveuglement ne peut que nous conduire dans l’impasse.
Un peu de douceur dans ce monde de brutes !
« La cruauté envers les animaux n’est pas tolérable.Les chrétiens sont spirituellement aveugles dans leurs relations avec les autres créatures » Andrew Linzey[1]
Que nous soyons un chrétien ou tout simplement un être sensible doué de
raison, comment admettre que, justement pour la fête de la vie, du printemps,
de la re-naissance, de la résurrection, des milliers de bêtes soient sacrifiées
au nom de notre religion ? Qui
d’entre nous, ne s’est un jour offusqué, d’ailleurs à juste titre, des
abattages rituels pour l’Aïd ? Ce sont également des milliers de bêtes
sacrifiées dans le monde au nom de Dieu… Mais balayons d’abord devant notre propre
porte ! Osons ouvrir les yeux et enlever la poutre qui nous obstrue notre
champ de vision! Les fêtes de Pâques chrétiennes génèrent, à l’instar des fêtes
musulmanes et juives, un véritable carnage
dont, en toute innocence, nous sommes les commanditaires. C’est bien la tranche de
gigot dans notre assiette qui sous-tend l’ensemble du système !
Depuis que la télévision ne bloque plus les images dites trop
choquantes (mais est-ce que ce sont les images qui sont choquantes ou la
réalité qu’elles dénoncent ?) parce qu’elles circulent librement sur
internet, nous ne pouvons plus ignorer l’horreur des abattoirs. Les vidéos
tournées par l’association L214[8] nous
ouvrent les yeux, la conscience et le cœur… si toutefois nous choisissons de ne
pas les fermer et de nous laisser émouvoir.
Nous savons que les abattoirs, inféodés au système agro-industriel et à
notre consommation démesurée[9] de chair
animale, ne sont pas des lieux de gloire, mais nous n’avons peut-être pas bien
conscience que le fait de manger de l’agneau à Pâques augmente considérablement
les quantités et les cadences d’abattage à cette époque : fluctuant selon
les abattoirs, l’abattage des agneaux (souvent âgés de moins d’un mois !) augmente
de 25 à 50% à l’approche de Pâques.
Dans un article paru en 2012 dans le Figaro
par exemple, on peut lire : « Il se
consomme en moyenne entre 4.000 et 5.000 tonnes de viande d’agneau par mois en
France, d’après les données du panel Kantar, explique Anne Mottet, économiste à
l’Institut de l’élevage. Lors du mois pascal, les ménages en ont consommé 9.000
tonnes en 2010 ! ». Plus récemment, une des vidéo de L214 a révélé les
maltraitances à l’égard des agneaux à l’abattoir de Mauleon-Licharre (64), mais
aussi des hommes obligés de faire "cela",
juste avant les fêtes de Pâques 2016. « Ce sont des cadences
infernales. C’était la veille de Pâques, alors qu’habituellement nous devons
abattre 800 à 1000 agneaux en une semaine, là nous avons dû en abattre 860 par
jour ! En plus les machines fonctionnaient mal et le matériel d’anesthésie
était défectueux. On n’arrivait pas à suivre la cadence. Les agneaux sautaient
par-dessus la barrière… », témoigne l’un des tueurs en poste alors
(c’est le vrai nom de leur fonction !) dans l’émission d’Envoyé Spécial[10] en
partie consacré à ces questions. L’abattoir du Vigan, dans le Gard, pourtant
certifié Bio, a également été épinglé par L214 et la justice pour ses
manquements graves[11] et
obligé de fermer ses portes. Pourtant, à l’approche de Pâques, l’an passé, il a
eu l’autorisation exceptionnelle de rouvrir ses portes pour abattre les agneaux
destinés à nos tables pascales. C’est dire combien le business de l’agneau
pascal est juteux ! Pour preuve, cette apologie macabre trouvée récemment
sur le site internet du Groupement des Eleveurs Girondin [12]: « Rien, il ne reste rien ! Il ne reste plus
rien à l’abattoir, il ne reste plus rien dans nos boucheries… 700 agneaux abattus pour les fêtes de Pâques, près de 300 commercialisés dans nos
seules boucheries. 3250 clients
et 130 K€ de chiffre d’affaires cumulés sur nos 4 points de vente pour la seule semaine de Pâques. 1200 clients pour 55 K€ le seul
samedi. C’est le carton plein de Pâques… Du jamais vu en cette période de
morosité ambiante… ! ». L’agneau, antidote à
la morosité des hommes ? Quel clin d’œil pour un chrétien. Presque un gag,
s’il s’agissait de marchandises ; une horreur, quand on parle d’êtres
vivants !
Une horreur qui ne se limite pas à
l’abattoir… Sans entrer dans les détails sordides, l’industrie de l’agneau (et
de la viande en général) engendre toute une chaine de souffrances et d’indignités
partagées par l’homme et l’animal : insémination
artificiel des mères porteuses, naissances accélérées, engraissage aux
antibiotiques et aux hormones pour que les agneaux de lait soient assez
« dodus » à Pâques, importation de la plupart des agneaux de nouvelle
Zélande par bateaux, transports cruels… sans compter la « sale tâche de tuer »
que nous déléguons à nos frères humains soumis à des pressions, à des rythmes et à
un stress permanent les conduisant, par voie de conséquence, à commettre des
actes sur les animaux dont eux-mêmes souffrent. Que choisir ? Continuer à
fermer les yeux et se rendre complices, ou oser
regarder la réalité en face et nous relever en en dignité ?
Notre responsabilité en tant que chrétien.
Peinture de Père Raquet |
Est-ce qu’en tant que chrétien, cet état des choses me semble
acceptable ? Est-ce cohérent avec le message de douceur et de non-violence
prôné par les Evangiles ? Est-ce cohérent avec le message que le Christ cherche
à nous transmettre quand il prend soin des malades, des vieux, des aveugles, des
enfants, des petits, des pauvres ? Jésus n’encourage-t-il pas le soin à l’animal
blessé, ou à l’aveugle, même un jour de shabbat, quitte à provoquer les
courroux des puissants et à risquer la croix !
L’agneau,
auquel le Christ est lui-même identifié, symbole de l’innocence et de l’humilité,
ne serait-il pas justement cette « figure idéale » envers laquelle exercer
notre compassion ? « Etre
pour Jésus, c'est être en faveur d'une compassion active envers les faibles,
contre le principe de la loi du plus fort » nous
dit Andrew Linzey dans son ouvrage Evangile Animale[13] .
L’analogie, trop
signifiante pour être fortuite, entre les deux agneaux (la petite bête à
bouclette et le Christ) nous appelle à l’explorer plus avant, ainsi que le fait
Andrew Linzey: « La
souffrance animale ne représente rien de moins que la souffrance innocente,
imméritée, du Christ. Seuls les chrétiens dont le regard se focalise sur
l'horreur de la crucifixion devraient être en position de comprendre l'horreur
de la souffrance innocente. Une telle souffrance, que ce soit celle des membres
les plus faibles de la communauté humaine ou celle des animaux, en appelle au
ciel pour jugement et rédemption. La croix du Christ englobe la souffrance de
toute la création ; notre sensibilité à cette souffrance est un test au papier
tournesol[14]
de notre qualité de disciples chrétiens. J'avancerais qu'aucune théologie qui
nous désensibilise à la souffrance ne peut être une théologie chrétienne ».
Aussi, une tradition basée sur une lecture à contresens et causant la souffrance des
animaux et des êtres humains n’est pas conciliable avec une exigence de justice,
de paix et de vérité.
Une tradition qui n’a aujourd’hui d’autres fondements que
celle d’une rentabilité commerciale et d’un attachement à des valeurs obsolètes
doit être revisitée. Symbole de fête, l’agneau n’en a pas pour autant nécessité
à devenir un palliatif à notre « morosité » et notre misère. On peut
faire la fête, se réjouir, danser, boire, chanter, partager… sans pour autant danser autour du cadavre d’un
nouveau-né. La fête n’en aura que meilleure saveur. En Alsace, par exemple,
c’est une brioche en forme d’agneau que l’on confectionne avec les enfants.
C’est tout de même plus gai…
Mais la
question importante dans le fond, c’est peut-être : Qu’est-ce que Pâques
signifie pour moi ? Au sortir du carême, durant lequel j’ai fait "peau neuve"», que m’est-il demandé? De repartir de plus
belle dans la consommation avide du monde ? Ou, à l’inverse, de poursuivre
mon chemin de conversion vers plus de douceur, de sobriété et de simplicité? Qu’est-ce
que Dieu attend de moi en ce jour? De fêter la vie nouvelle, de vivre la
joie du Christ ressuscité… certainement pas de l’immoler à nouveau sur l’autel
de mon avidité ! «Explorant la métaphore de
l’Agneau, le Cardinal Newman en arrivait à postuler que l'innocence des animaux
est semblable à celle du Christ et à soutenir que la cruauté envers tous les
innocents – qu'il s'agisse d'enfants ou d'animaux – équivaut moralement à la
cruauté envers le Christ lui-même » souligne encore Andrew Linzey[15]. L’agneau nous invite à nous laisser guider,
inspirer, habiter, aimer… Dieu veut que nous devenions de agneaux tendres, pas
que nous les mangions !
Pour finir, une hypothèse….
Imaginons un instant que le fait de manger de l’agneau à Pâques – symboliquement
le fait de perpétuer l’ancien état des choses, de continuer à porter des armes,
d’exercer notre toute-puissance et notre arrogance sur le monde, d’asservir le
vivant…- contribuait à nous maintenir en
état d’exil! Et si notre "entrée" dans le
Royaume ne tenait qu’à un seul petit geste…. ! Si nous acceptions de ne
pas reproduire, ne serait-ce qu’une seule fois (juste pour voir), le cercle
vicieux de la souffrance et de la mort symbolisé par le " sacrifice" de
l’agneau/Agneau … Si nous acceptions de voir le Christ, de nous ouvrir
pleinement à Sa réalité, à la Vie éternelle sans condition… Si nous autorisions
le Christ à être le vainqueur des démons et à régner sur le monde comme
dans la version du Testament de Joseph? Et si cela dépendait de nous ? Si aujourd’hui,
à Pâques, nous faisions le choix de la Vie ! Imaginez un peu !
Peut-être, alors, le
Christ n’aurait-il pas besoin, chaque année, de remonter sur sa croix…
Christine Kristof- 2017
[4] Évangile de Jésus Christ selon
saint Jean (Jean1- 29-30) : « En ce
temps-là, voyant Jésus venir vers lui, Jean le Baptiste déclara :« Voici l’Agneau de Dieu,qui
enlève le péché du monde ; c’est de lui que j’ai dit :L’homme qui
vient derrière moi est passé devant moi,car avant moi il était.»
[5] Le Testament du Roc, Ed. Flammarion, mai
2016
[6] Jésus. Approche
Historique. p 402. Ed. Du Cerf.
[8] www.l214.com... La diffusion de ces vidéos qui
montrent la maltraitant animale (et humaine) a permis le vote d’une loi qui
oblige les abattoirs à se doter de caméra vidéo de surveillance.
[9] En 2014, ce sont 3 685 900 agneaux qui ont
été abattus. Et les Français sont les plus gros consommateurs de produits
d’origine animale du monde ! et nous consommons en moyenne 86 kg de viande
par an et par personne).
[10] Emission du 16 février (partie2)
[11] Et le 23 mars aura lieu le procés de cet abattoir, le premier procès ayant à juger des sévices
graves et actes de cruauté dans un abattoir en France.
[14] Papier
réagissant à l'acidité ou l'alcalinité en changeant de couleur au contact de la
substance à teste
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